Par arrêt du 31 juillet 2008 (n°119), la Cour constitutionnelle de Belgique a précisé l’interprétation à donner à un décret de la Communauté française du 8 mars 2007, qui limite les possibilités de changement d’établissement dans l’enseignement ordinaire pendant un même cycle d’études. La Cour entend soumettre la constitutionnalité du Décret à la condition (B.8.21, B.8.32, B.11) que les convictions religieuses et philosophiques — non explicitement visées par le Décret — doivent également pouvoir justifier un changement d’établissement, tout en dispensant les parents de toute charge de preuve plus avancée.
L’article 79, § 4, alinéa 1er, 1° à 9°, du décret du 24 juillet 1997, tel qu’il est inséré par l’article 12, 2°, du décret attaqué, énumère neuf exceptions pour lesquelles l’inscription dans un autre établissement est autorisée, parmi lesquelles figurent le changement de domicile, la séparation des parents entraînant un changement de lieu d’hébergement de l’élève, le passage de l’élève d’une école à régime d’externat vers un internat et vice versa et l’exclusion définitive de l’élève d’un autre établissement. Un changement d’établissement peut encore avoir lieu, dans l’intérêt de l’élève, en cas de force majeure ou de nécessité absolue; dans ces cas, l’évaluation de la situation et l’octroi de l’autorisation sont laissés à l’appréciation du chef de l’établissement « fréquenté par l’élève », du service de l’inspection ou du ministre chargé de l’enseignement obligatoire.
B.8.21 (…) En vertu de l’article 79, § 5, tel qu’il est inséré par l’article 12, 2°, attaqué, un changement d’école est en outre possible « en cas de force majeure ou de nécessité absolue et dans l’intérêt de l’élève ». L’article 79, § 5, alinéa 2, énonce qu’« on entend notamment par nécessité absolue au sens du présent article les cas où l’élève se trouve dans une situation de difficultés psychologique ou pédagogique telle qu’un changement d’établissement s’avère nécessaire ». De ce que cette disposition utilise l’adverbe « notamment », il se déduit que d’autres raisons doivent pouvoir être admises, telles que celles qui tiennent au respect des convictions religieuses ou philosophiques. (B.8.2.2.) Il appartient en premier lieu aux parents d’un enfant de décider ce qui est dans l’intérêt de ce dernier. Dès lors, le chef de l’établissement, l’inspection ou le ministre ne peuvent refuser l’avis favorable requis concernant le changement d’école que dans des circonstances exceptionnelles et ils doivent justifier pourquoi, à leur estime, il n’y a pas de « force majeure » ou « de nécessité absolue » ou pourquoi « l’intérêt de l’élève » s’opposerait au changement d’école. (…) B.11. Lorsqu’un parent fait valoir qu’il ne peut plus se retrouver dans le projet pédagogique d’un établissement pour des raisons de conviction religieuse ou philosophique, les articles 19 et 20 de la Constitution, combinés avec l’article 24, § 1er, de la Constitution, avec l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, exigent qu’il puisse, en principe, adapter son choix d’école. Le chef d’établissement, l’inspection ou le ministre doivent, au moment où ils donnent un avis au sujet du changement d’école, tenir compte du droit fondamental en cause.
L’évolution de l’ethos d’une école, tout comme les changements convictionnels des parents et de leurs enfants doivent, en vertu de l’article 24 de la Constitution, être considérés comme des causes légitimes de changement, même en cours de cycle. Il n’appartient pas aux parents de devoir s’expliquer davantage sur la mise en oeuvre de ce droit fondamental. Sauf circonstances exceptionnelles, les autorités ne peuvent refuser cette demande. La charge de la preuve incombe en tout cas aux autorités, sous contrôle des juridictions compétentes : à elles de prouver en quoi cette demande serait le cas échéant contraire à l’intérêt de l’enfant, ou dépourvue de nécessité…
Tandis que le Décret visait en priorité des « difficultés psychologiques », la Cour rappelle que la Constitution garantit mieux encore d’autres priorités, d’ordre convictionnel et religieux. Peut-être une sociologie postmoderne permettrait-elle, plus ou moins facilement, de rapporter le « spirituel » au « psychologique », mais la Cour indique que le traitement constitutionnel de ces deux catégories n’est pas le même.