Religion et prison

Le Bulletin des Questions-Réponses de la Chambre des Représentants, B048 du 9 février 2009, publie une réponse du  Ministre de la Justice concernant les locaux où se pratiquent les cultes en prison, question posée par la Députée M. De Schampelaere.

« Question :   En vertu de l’article 73 de la loi de principes concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus du 12 janvier 2005, des aumôniers, des conseillers appartenant à un des cultes reconnus ainsi que des conseillers moraux ont le droit de recevoir les détenus dans un local adéquat qui leur permet de rencontrer ceux-ci dans une atmosphère confidentielle. Cependant, des manquements graves sont constatés sur ce plan. Par exemple, le « local adéquat » dont il est question doit être partagé avec des représentants d’autres obédiences. Dans certaines prisons, l’aumônier ne peut même pas utiliser la chapelle comme local adéquat pour un entretien confidentiel. Or tant pour un aumônier que pour un conseiller appartenant à un des cultes reconnus ou un conseiller moral, le fait de pouvoir disposer d’un local adéquat où les détenus peuvent s’exprimer librement dans une atmosphère intime est une condition sine qua non de l’exercice de leurs fonctions. 1. a) Avez-vous connaissance de ce problème ? b) Est-il prévu, dans le cadre des projets de nouvelles constructions et de rénovation, d’aménager un local adéquat où les représentants du culte ou de la philosophie du détenu pourront rencontrer celui-ci dans une atmosphère confidentielle (par exemple un bureau personnel) ? c) Dans la négative, envisagez-vous d’entreprendre des démarches afin de répondre à ce besoin ? 2. En vertu de l’article 74, § 4 de la loi de principes précitée, un local adéquat doit être prévu dans chaque prison pour les activites communes qui s’inscrivent dans le cadre du droit du détenu de vivre et de pratiquer librement sa religion ou sa philosophie. Ces activités peuvent être organisées dans la chapelle de la prison. Il arrive qu’on tente de prédestiner certains locaux servant actuellement au culte catholique en faisant en sorte qu’ils remplissent désormais la fonction de « zones de silence » ou de « locaux multi-confessionnels ». Mais une autre « école » préconise d’organiser les activités cultuelles dans la salle polyvalente de l’établissement pénitentiaire. Toutefois, dans ce genre de salles polyvalentes, il est très malaisé de garantir une atmosphère sacrée compte tenu du fait que d’autres activités communes peuvent y être organisées. a) Sera-t-il prévu de ménager dans les projets de nouvelles constructions et de rénovation un local adéquat où pourront être organisées des activités communes qui s’inscrivent dans le cadre du droit du détenu de vivre librement sa religion ou sa philosophie, ou sera-t-il seulement prévu d’aménager une salle polyvalente ? b) Si seule une salle polyvalente est aménagée, envisagerez-vous d’entreprendre des démarches afin de remédier à ce problème ?

Réponse     1. Dans la philosophie de la loi de principes, la pratique du culte par les détenus est considérée comme une activité essentielle. Il importe dès lors que toutes les conditions soient réunies pour pouvoir faciliter l’exercice de ce droit et, par conséquent, la tâche des aumôniers et des conseillers moraux. Etant donné que dans certains cas des difficultés ont effectivement été constatées quant aux conditions de travail des aumôniers et des conseillers moraux dans certains établissements, le directeur général, après s’être concerté avec leurs représentants, a envoyé une note aux prisons demandant de prévoir un local réservé à leurs entretiens avec les détenus. A cet égard, il convient toutefois de tenir compte des possibilités en termes d’infrastructure de certains établissements qui doivent déjà faire preuve de créativité avec l’espace disponible. Dans les nouvelles prisons, un espace suffisant sera prévu pour les aumôniers et les conseillers moraux. 2. Dans la même note, il est également demandé de mettre à disposition un local pour la pratique commune des différents cultes. Ce local doit être aménagé de manière à permettre la pratique effective de ces cultes, dans une atmosphère empreinte de sérénité et de dignité. Ici également, il faut tenir compte des possibilités en matière d’infrastructure, qui empêchent souvent la mise à disposition d’un local séparé. Dans les nouvelles prisons, il sera prévu un local spécifiquement dédié à la pratique commune des différents cultes ».

La diversité croissante des appartenances confessionnelles des détenus, et notamment de cultes minoritaires, complique progressivement la pratique de la liberté religieuse en prison, tant pour les détenus que pour la liberté d’accès des aumôniers et conseillers. Diversités et minorités riment aussi avec un renforcement des limitations de sécurité, notamment par un contrôle plus ferme des contacts prosélytes. Faudrait-il par exemple — et à supposer que oui, comment — chercher à distinguer des pratiques sincères et des usages stratégiques ou intéressés ? Peut-on, autre exemple, interdire la pratique simultanée de plusieurs cultes ? Jusqu’où accepter les pratiques motivées par une conviction ? Comment en sens inverse faire une pesée légitime avec une pratique de la liberté religieuse qui présente elle-aussi des effets indirects socialement utiles, en termes de dignité des personnes ou de réintégration sociale ?

Le respect des droits fondamentaux en prison, y compris en matière religieuse, suscite sans surprise une littérature et une jurisprudence internationale de plus en plus importante (1).

(1) V. par exemple, James A. BECKFORD, Danièle JOLY et Farhad KHOSROKHAVAR, Les musulmans en prison en Grande-Bretagne et en France, Presses universitaires de Louvain, Louvain-la-Neuve, 2007.



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