Vers une réforme des cours de religions 4 mai
Parlement de la Communauté française Wallonie-Bruxelles
CRI No15 (2011-2012) 2 mai 2012 p. 9-10
« Question de M. Yves Reinkin à Mme Marie- Dominique Simonet, ministre de l’Enseignement obligatoire et de Promotion sociale, intitulée « Projet d’un ‘tronc commun’ à tous les cours philosophiques remis en question » 9.8 Question de M. Marc Elsen à Mme Marie- Dominique Simonet, ministre de l’Enseignement obligatoire et de Promotion sociale, intitulée « Cours philosophiques » 9.9 Question de Mme Françoise Fassiaux- Looten à Mme Marie-Dominique Simonet, ministre de l’Enseignement obligatoire et de Promotion sociale, intitulée « Réforme des cours dits philosophiques »
M. Yves Reinkin (ECOLO). – Il y a quelques mois, vous nous avez fait part de la volonté du gouvernement de mettre en place un tronc commun pour l’ensemble des cours philosophiques. Ce tronc commun comprendrait trois axes : le questionnement philosophique, le dialogue interculturel et interconvictionnel, et l’éducation citoyenne active. L’objectif transversal de cette démarche est la création d’espaces de cours en commun permettant la rencontre et le dialogue entre les élèves, dans le but de les relier plutôt que les séparer. De surcroît ce socle de compétences pouvait déboucher sur une inspection commune et sur une formation initiale et continuée en inter-réseaux. La semaine dernière, le Centre d’étude et de défense de l’école publique (Cedep) a jeté un pavé dans la mare en indiquant qu’il estimait que, si les trois axes du tronc commun de ce projet ne doivent pas être remis en cause, le cours devrait toutefois être donné par des professeurs spécialement formés et non plus par les professeurs de morale et de religion actuels. De plus, ce cours devrait devenir un cours de philosophie et non plus un cours philosophique. Par ailleurs, le Cedep propose que les cours philosophiques actuels ne soient plus obligatoires mais deviennent des cours de philosophie, dispensés à la demande des parents, dans lesquels seraient repris vos trois axes du tronc commun. La position du Cedep remet-elle fondamentalement en cause votre projet qui a été examiné par le conseil consultatif des cours philosophiques créé par votre prédécesseur ? Dans l’affirmative, comment envisagez-vous l’application du décret d’ici à la fin de la législature ? Pensez-vous que le Cedep vous a mal comprise ?
M. Marc Elsen (cdH). – Le Cedep s’est exprimé à travers la presse sur la réforme des cours philosophiques. Je ne sais pas s’il faut parler de « pavé dans la mare ». Madame la ministre, vous avez fermement rappelé votre position, position approuvée par tous les groupes politiques et par le gouvernement. Pourriez-vous nous rappeler les grandes lignes de ce projet de tronc commun que nous soutenons ? »
Mme Françoise Fassiaux-Looten (PS). – En janvier, madame la ministre, vous lanciez votre projet de réforme des cours dits « philosophiques ». Cette annonce a suscité un débat démocratique sur les modalités et l’opportunité d’un tel projet. La semaine dernière, le Cedep, qui regroupe douze associations défendant l’école publique, a avancé l’idée de supprimer les cours dits « philosophiques » au profit d’une approche philosophique de l’histoire des religions et des mouvements de pensée non confessionnels. Quelle est la position du gouvernement à cet égard ? Que pensez-vous de la proposition du Cedep ? Quelle est votre vision des enseignants qui seraient chargés de ces matières ? La Communauté flamande a une interprétation différente de la Constitution sur ces cours philosophiques. Que pensez-vous de cette interprétation du droit des jeunes à recevoir ces cours durant leur scolarité ?
Mme Marie-Dominique Simonet, ministre de l’Enseignement obligatoire et de promotion sociale. – Le cadre d’une question d’actualité ne permet pas les développements juridiques nécessaires. La proposition de réforme débattue en commission a été initiée par un projet de M. Miller, visant à mettre en place des cours de philosophie. Cette proposition va dans le sens de l’avis du Conseil supérieur consultatif des cours philoso phiques et a pour but d’instaurer un tronc commun axé sur trois thématiques : le questionnement philosophique, le dialogue inter-culturel et la citoyenneté active. L’avantage de cette réforme est son aspect concret et pragmatique, qui s’inscrit dans notre cadre juridique. La lecture que fait la Flandre de la Constitution, particulièrement de son article 24, des traités internationaux, comme le Pacte de New York, et du Pacte scolaire, qui prévoit des cours de religion ou de morale, ne diffère pas de la nôtre. Toutefois, quand on parle d’offre, il ne s’agit pas de liberté. M. Xavier Delgrange, auditeur au Conseil d’État, a consacré à cette question une étude juridique indiquant clairement que si l’on veut rendre ces cours philosophiques facultatifs, il faut modifier la Constitution. Je n’ignore pas qu’en Flandre, il existe de rares cas d’élèves dispensés de ces cours parce qu’ils ne s’y « retrouveraient » pas. Cependant, la modification de cette disposition de la Constitution n’est pas aujourd’hui à l’ordre du jour des très nombreuses tâches du gouvernement fédéral. Le statu quo a créé des vides juridiques et pédagogiques, qui risquent d’entraîner des dérapages. De manière unanime, les chefs de culte partagent l’idée d’instaurer pour les enfants de tous les réseaux, de la première à la dernière année du cursus, un tronc commun qui permettrait des rencontres et des formations communes. Le président du Cedep, le Centre d’étude et de défense de l’école publique, a formulé un avis que je respecte. J’ai lu dans la presse qu’il était favorable au principe d’une matière enseignée en commun. Il s’exprime en ces termes : «L’intention initiale de la ministre est bonne et louable. Nous applaudissons des deux mains son intention d’intensifier la formation dans ces domaines. » L’objectif est donc largement partagé. Dans ce lieu institué et instituant qu’est l’école, il est important de baliser le contenu des cours philosophiques, de renforcer les missions de l’inspection et d’être plus exigeant en matière de titres requis.
M. Yves Reinkin (ECOLO). – Je tiens à préciser que ce sont bien les chefs de culte et les responsables de la morale qui sont d’accord sur ce tronc commun. Il est utile de le préciser afin que l’on n’imagine pas qu’il s’agit uniquement des religions. Dans ce débat, il ne faut pas oublier l’intérêt du jeune et son émancipation. Le but de ce cours est bien de favoriser le « vivre ensemble » des jeunes et de leur apprendre à respecter chaque manière de penser. C’est fondamental. Certains souhaiteraient aller plus loin, plus vite et organiser un seul cours commun pour tous. D’autres souhaiteraient qu’il n’y ait aucun tronc commun et que chacun reste dans sa chapelle, sa mosquée ou sa maison de la laïcité. Le risque est évidemment que rien ne bouge. Il reste malgré tout la Constitution, qui n’est pas un dogme. On peut la modifier, mais cela demande réflexion. La dynamique qui nous proposée ici est un pas en avant. Il s’agit de progresser, de voir si, demain, on peut aller encore plus loin. Il faudra en débattre avec tous les acteurs. Ce socle commun devrait conduire à une formation commune inter-réseaux afin que ce cours devienne un travail collectif.
M. Marc Elsen (cdH). – Je remercie la ministre pour son intervention. Il est essentiel que le gouvernement ait la volonté d’avancer dans cette voie. Nous restons de chauds partisans de l’élargissement de la sphère de connaissance de l’autre. Nous restons également partisans du développement de la pensée, de la philosophie et de la spiritualité, qui font eux aussi partie de l’éducation. Je me réjouis du large consensus qui se dégage auprès des responsables des cultes. Il témoigne d’un sentiment d’opportunité et d’une volonté d’aller de l’avant. Dans cette perspective, nous accordons notre entier soutien à la ministre.
Mme Françoise Fassiaux-Looten (PS). – Je remercie la ministre pour les éléments de réponse qu’elle a fournis. Il faut effectivement respecter le cadre juridique dans lequel fonctionne notre enseignement et l’on ne peut pas tout régler en deux coups de cuillère à pot. Je reconnais cependant sa volonté d’essayer de tout faire pour que l’éducation de notre jeunesse apporte une plus-value à la connaissance de l’autre – voire à la reconnaissance de l’autre – et qu’elle se déroule de manière aussi peu agressive que possible dans un monde de plus en plus multiculturel. Je crois que la ministre devra soutenir cette optique au sein du gouvernement pour que nous puissions avancer dans la conquête de la reconnaissance de l’autre tout en respectant le cadre juridique.