Sous le regard des scientifiques étrangers 19 mai
‘
Le contrôle scientifique du droit belge des cultes sous le regard des (futurs) experts étrangers
Sans doute, les politiques locales donnent-elles trop aisément à leurs propositions des dimensions de principe quasi cosmiques à ce qui en définitive ne correspond qu’à des luttes tribales incompréhensibles à l’extérieur. Mais autant la souveraineté d’un Etat est-elle décisive dans les particularismes des droits des cultes, autant la Belgique demeure-t-elle un laboratoire original du pluralisme européen. De nombreux dispositifs scientifiques assurent de façon régulière l’évaluation comparée de droit des cultes et de leurs évolutions et prennent la mesure des bonnes et mauvaises pratiques en cours dans chaque pays. Distincts des processus de monitoring internationaux (comme ceux de l’ONU, de l’OSCE, du Conseil de l’Europe ou de l’Union européenne, ou liés à des conventions spécialisées), les processus universitaires assurent eux-aussi une confrontation des modélisations juridiques nationales en Europe et dans le monde. Des associations spécialisées comme l’International Consortium on Law and Religion Studies (ICLARS), ou le European Consortium Church and State, ou encore le réseau européen EUREL, ou américain lié au ICLRS, conduisent de façon périodique à soumettre le droit belge et ses évolutions au regard des juristes universitaires étrangers. Certes dépourvus de moyens de contraintes politiques, ces réseaux contribuent néanmoins à diffuser au plan européen et mondial les instruments critiques qui assureront à leur tour la formation des futurs juristes à travers des dizaines de pays, et à partir de là les futurs politiques, chercheurs et évaluateurs internationaux de demain. Il en va également ainsi de programmes pour doctorants, qu’il s’agisse du Programme européen Gratianus lancé en 1992 par les Universités de Paris XI et de la Faculté de droit canonique de Paris, ou du réseau de doctorants Law and Religion Scholars Network (LARSN) mis en place en 2008 par le Prof. Norman Doe, au Centre Law and Religion de l’Université de Cardiff.
Conférence « Law and Religion » (Université de Cardiff, 11 mai 2015)
Le 11 mai 2015 a eu lieu la Conférence annuelle « Law and Religion Scholars Network » à l’Université de Cardiff (Royaume-Uni). Chaque année, la Conférence LARSN a pour objectif l’exposé, par des chercheurs et académiques d’Universités du monde entier, de questions et problématiques touchant fondamentalement la thématique « droit et religion ». Elle permet, en outre, un riche moment de débat entre les différents intervenants et le public.
A l’occasion de la Conférence de ce 11 mai 2015, treize intervenants issus des quatre coins du monde (Canada, Singapour, Australie, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Grèce, Italie, Espagne, Finlande,…) ont pris la parole.
Le premier panel du matin fut animé par le Professeur Javier García Olivia. Après un exposé d’Elisabeth A. Diamantopoulou relativement à « The controversy over religious blasphemy in contemporary Greece: the (case) law, judges’ role and civil society » , Andrew Hambler présenta la problématique « Regulating “Religious Speech” at work » au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Quant à Dawid Bunikowski, il s’enquit de l’ambitieuse et délicate question de savoir « Why is Russia violating religious freedom and freedom of expression? Philosophical-historical-theological-legal-political analysis ». Enfin, Yossi Nehushtan fit la promotion de son nouveau livre intitulé « Intolerant Religion in a Tolerant-Liberal Democracy ».
Le second panel matinal fut conduit par Helen Hall, qui céda d’abord la parole à Arif Jamal concernant « Liberal theory, religious plurality and Asian contexts: conflict or confluence? ». Ensuite, à mi-chemin entre le droit constitutionnel et le droit des religions, Luke Beck présenta « Excluding Dangerous Religions from the Protection of the Religious Tests Clause of the Australian Constitution ». A son tour, Megan Pearson exposa « Individual Belief and Indirect Discrimination after Mba », l’affaire Mba v London Borough of Merton (2013) concernant une croyante fermement convaincue que le dimanche est un jour de repos religieux et non un jour de travail et se plaignant de ce que son licenciement était constitutif d’une discrimination religieuse indirecte. Enfin, Erica Howard se pencha sur les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres en exposant « Clashing rights? Freedom of religion or belief and equality for LGBT people ».
Le panel de l’après-midi fut animé par le Professeur Norman Doe. Après un exposé de Stéphanie Wattier concernant « Funding of religions in Belgium: implementing a “tax assignment system” to reach more equality and democracy? », au départ des expériences espagnole et italienne, Carys Moseley présenta, au moyen de nombreuses statistiques, « How and why is Wales different from and similar to the rest of the UK as regards ‘religion and law’ issues? ». A son tour, Diana Ginn montra les implications en matière religieuse de « The Canadian Charter of Rights and Freedoms ». Puis, Leon van den Broeke se préoccupa du régime juridique des crémations aux Pays-Bas depuis l’origine en présentant « Disposal of the Body: Dutch Funeral Law ». Enfin, la journée s’acheva par un exposé de Caroline Roberts concernant « A strange society of silent animals…” What is the significance of the forum internum in Article 9 of the European Convention of Human Rights? », spécialement sur le volet de la liberté « négative » de religion.
La Conférence de l’année prochaine aura la particularité de s’inscrire dans la semaine du « Cardiff Festival on Law and Religion », qui sera notamment l’occasion de célébrer le 25ème anniversaire du LLM en droit canon de l’Université de Cardiff. La Conférence aura lieu les 5 et 6 mai 2016. D’ores et déjà, le rendez-vous est pris…
‘
Stéphanie Wattier
Aspirante du F.R.S.-FNRS à l’UCL