Cour d’assises et religion

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Religieux et juré d’assises : des changements en 2021

La circulaire du 8 janvier 2021 relative à la liste des jurés des cours d’assises (M.B. 13 janvier 2021) modifie la définition des ministres des cultes exemptés de l’inscription à cette liste. Jusqu’à la circulaire précédente, publiée en 2017, la définition du ministre du culte était à la fois large et défini en fonction des qualifications internes à chaque culte, en ce compris des qualifications religieuses tombées en désuétude, voire discutables au gré de débats internes à chaque doctrine religieuse. On lisait encore dans la circulaire du 10 janvier 2017 :

« Par les termes « culte reconnu par l’Etat », il convient d’entendre les cultes dont la reconnaissance résulte, même implicitement, de la loi. Sont reconnus les cultes catholique, protestant, israélite, anglican, islamique et orthodoxe.
Par les termes « ministres » de l’un de ces cultes, il convient d’entendre au sens général, toute personne qui, en vertu d’une ordination, est habilitée à prendre une part active aux cérémonies et rites d’un culte. En ce qui concerne plus particulièrement les ministres du culte catholique, il y a lieu de considérer comme tels les personnes qui ont reçu les ordres majeurs (prêtres, diacres, sous-diacres) qu’elles appartiennent au clergé régulier ou séculier; pour le culte protestant, les licenciés en théologie protestante ayant reçu la consécration pastorale; pour le culte israélite, les rabbins; pour le culte anglican, les personnes qui ont reçu les ordres majeurs, à savoir les prêtres et les diacres (deacons); il y a lieu d’assimiler à ces ministres du culte les imams des mosquées reconnues.
Par les termes « organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle », il convient d’entendre, dans le même sens que pour l’application de l’article 181 de la Constitution, le Conseil central laïque, reconnu par la loi du 21 juin 2002 relative au Conseil central des Communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique (Moniteur belge 22 octobre 2002) et l’asbl Union bouddhique belge, reconnue par l’article 139 de la loi du 24 juillet 2008 portant des dispositions diverses (I) (Moniteur belge 7 août 2008) ».

La circulaire de 2021 abandonne toute référence à des définitions propres à chaque culte. Se faisant, la circulaire échappe certainement au reproche de désuétude de certains concepts religieux qu’elle répétait depuis des temps lointains sans adaptation à l’évolution des pratiques. Mais en se soustrayant à toutes qualifications religieuses internes, désuètes ou non, la circulaire ne se libère pas seulement des auto-qualifications cultuelles, et de l’incertitude interne qu’elles peuvent le cas échéant comporter. La circulaire abandonne plus largement toute référence à l’étendue spirituelle (ou philosophique) des fonctions visées. Elle modifie ainsi fondamentalement la ratio legis apparente de la mesure d’exemption. Elle renoue ainsi d’une certaine façon avec les conceptions qui avaient fondé ces exemptions dès le XIXe siècle.

En effet, la circulaire de 2021 limite désormais l’exemption de la liste des jurés par une nouvelle définition des ministres des cultes liée à leur rémunération publique  :

« Par les termes « culte reconnu par l’Etat », il convient d’entendre les cultes dont la reconnaissance fait suite à l’adoption d’une loi. Sont reconnus les cultes catholique, protestant, israélite, anglican, islamique et orthodoxe.
Par les termes « organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle », il convient d’entendre, dans le même sens que pour l’application de l’article 181, § 2, de la Constitution, le Conseil central laïque, reconnu par la loi du 21 juin 2002 relative au Conseil central des Communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique (Moniteur belge 22 octobre 2002).
Par le terme « ministre » d’un de ces cultes reconnus et le terme « délégué » d’une organisation reconnue par la loi qui offre une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle, sont visées les personnes énumérées à cet effet dans la loi du 2 août 1974 relative aux traitements des titulaires de certaines fonctions publiques, des ministres des cultes reconnus et des délégués du Conseil central laïque ».

Il résulte de ces nouvelles définitions que les ministres visés ne sont plus l’ensemble des « personnels religieux » défini par une dénomination reconnue, mais seulement ceux qui, relevant de postes reconnus, reçoivent un traitement public fixé selon la loi de 1974 sur les traitements ecclésiastiques. Ainsi, pour le culte catholique par exemple, ce n’est plus la catégorie sacramentelle de l’ « ordination » qui est pertinente selon la Circulaire, mais la catégorie comptable du bénéfice d’un salaire public selon la loi de 1974.

L’exemption n’est plus apparemment liée à la nature des fonctions des ministres des cultes, qui pourrait notamment être l’accompagnement spirituel ou la compassion spécifique à de telles vocations, nature qui perturberait leur mission de jurés d’assises, mais seulement au fait de leur appartenance à un cadre administratif lié au financement des cultes. Telle était, au XIX siècle, la raison posée, du moins explicitement, à leur exemption : permettre aux ministres des cultes soutenus par des fonds publics de se consacrer pleinement à la mission d’assistance qui justifie leur traitement, et de ne pas en être distrait par d’autres tâches.

La définition portée par la Circulaire du 8 janvier 2021 renvoie clairement à cette approche matérielle, dès lors qu’elle écarte un grand nombre de personnels religieux de l’exemption en vigueur jusqu’ici, pour ne retenir que les ministres rémunérés sur la base de la loi de 1974. Certes leur identification en est facilitée d’autant, mais avec des effets qui pourront parfois surprendre. Ainsi, on observera que les ministres bouddhistes, exemptés par les dernières circulaires, ne le sont désormais plus, du moins tant que la reconnaissance du bouddhisme n’aura pas été finalisée légalement et le cadre des ministres bouddhiques déterminé. De même, à l’avenir seuls les imams de communautés islamiques locales reconnues, rémunérés par le SPF Justice , seront retirés des listes des jurés au titre de « personnes énumérées » par la loi de 1974.

La question religieuse rejoint ainsi, à sa façon, les débats qui interrogent certains implicites de la légitimation des cours d’assises, c’est-à-dire essentiellement les raisons de l’implication démocratique potentielle de la plupart des citoyens comme jurés. De la plupart, mais pas de tous…

Louis-Léon Christians



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