La (non-)reconnaissance du bouddhisme – indice d’un droit des cultes au point mort ?

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Depuis plus de vingt ans…

-1- Depuis plus de vingt ans, les organisations bouddhistes belges multiplient les efforts pour faire reconnaître le bouddhisme, une reconnaissance non comme culte mais comme philosophie qui pourrait être basée sur l’article 181 § 2 de la Constitution [[i]] (voyez déjà dans ce sens, un commentaire datant de 2000 [[ii]] et le blog publié ici en 2017 par Stéphanie Wattier [[iii]]). Le gouvernement fédéral indiquait en 2008 que «le choix de demander la reconnaissance comme culte sur la base de l’article 181, § 1er, de la Constitution ou sur la base de l’article 181, § 2, de la Constitution comme une philosophie non confessionnelle relève de la compétence du culte ou du mouvement philosophique qui introduit la demande»[[iv]].Or, il faut se rendre compte que le statut juridique et matériel qui résulte de ce choix entre les deux paragraphes de l’article 181 Constitution diffère profondément.

-2- Dans sa Note de politique générale du ministre de la Justicepour 2007, la ministre Laurette Onkelinx faisait mention de l’ambition de reconnaître le bouddhisme: «Certains cultes (comme le bouddhisme ou les syriaques) se sont manifestés en 2005-2006 pour obtenir une reconnaissance officielle de la part de l’Etat belge. La procédure d’examen, qui suppose notamment l’avis des différentes entités fédérées, est toujours en cours» [[v]]

 -3- La situation n’a guère changé depuis. Fin 2017 Stéphanie Wattier signalait, dans un blog intitulé «2006-2017 – le long chemin du bouddhisme» [[vi]] que la reconnaissance du bouddhisme était un processus de longue durée, mais qu’on espérait de voir les résultats en 2018 oo au plus tard, mai 2019.

Et effectivement, en juillet 2018 un avant-projet de loi a été envoyé pour avis au autorités régionales. Les provinces en Région flamande se sont montrées critiques, et même négatives à l’égard de cet avant-projet (ou n’ont même pas donné d’avis) [[vii]]. La Note de politique générale du ministre de la Justice pour 2019 suggère que l’objectif est en vue : «Enfin, l’avis des différentes régions relatif à la reconnaissance du bouddhisme comme courant philosophique non-confessionnel a été sollicité. Cette reconnaissance éventuelle sera discutée au sein du gouvernement dès réception de ces avis.» [[viii]]

-4- Simultanément, le député Elio Di Rupo (lui-même jadis premier ministre responsable pour de l’avancement du dossier de reconnaissance entre 2011 et 2014) s’est réintéressé à ce  dossier, comme le montrent les deux questions parlementaires posées le 23 août 2018 au ministre Koen Geens:

«1. Pourriez-vous indiquer l’état d’avancement de cette procédure de reconnaissance du bouddhisme en Belgique? 

2. En tant que ministre fédéral ayant la tutelle sur les cultes, vous êtes compétent pour cette possible reconnaissance mais celle-ci aurait également un impact sur les entités fédérées. Avez-vous entamé des discussions avec les Communautés et Régions concernant la demande de l’UBB? Le cas échéant, pouvez-vous m’informer de la teneur de cette concertation?» [[ix]].

Fin 2018 les questions sont toujours restées sans réponse, mais les réactions officielles de la Région flamande laissent entrevoir un possible obstacle dans cette concertation entre niveau fédéral et niveau régional/communautaire. Il suffit de relire l’avis négatif (circonstancié) de la province Anvers dans le cadre de la consultation régionale sur l’avant-projet de loi [[x]]. L’avant-projet est considéré prématuré et difficile à intégrer dans le système du droit des cultes. Entretemps, la démission du premier ministre Charles Michel en décembre 2018, semble conduire le gouvernement à se limiter aux affaires courantes……

-5- La réponse la plus claire quant à savoir si les autorités fédérales ont une volonté sincèrede faire avancer le dossier se trouve en fait dans les budgets. Depuis novembre 2018, le budget de la Justice 2019 était en cours d’examen à la Chambre. Comparé avec les budgets précédents, le budget initial de 2019 prévoyait un financement réduit pour la structuration du bouddhisme; il s’agissait en fait des moyens octroyés depuis 2008 à la coupole Union bouddhique de Belgique (UBB)[[xi]] mentionnée ci-dessus. Pour les traitements et pensions des délégués bouddhistes (art. 181 Constitution) rien n’était prévu dans ce budget 2019, ce qui est normal, vu que le bouddhisme n’est toujours pas reconnu. Ce budget est cette fois caduc en raison de la démission du Gouvernement.

-6- Depuis dix ans déjà le législateur octroyait l’UBB des subsides annuels [[xii]]Dès le début, en 2008, le ministre de la Justice en avait indiqué la perspective: «L’Union bouddhique de Belgique se voit octroyer une subvention, dont le montant est fixé sur une base annuelle en fonction de l’avancement du dossieraprès concertation préalable avec l’Union bouddhique de Belgique. Cette subvention vise à donner une structure au bouddhisme en Belgique. Si à l’issue de cette structuration il s’avère que le bouddhisme en tant que philosophie non confessionnelle remplit les critères de reconnaissance définis par l’autorité fédérale, la procédure de reconnaissance définitive pourra être entamée dans le cadre d’une deuxième étape législative» [[xiii]].

-7- Cet octroi de subventions, conditionnel, fait état de l’application de “critères de reconnaissance définis par l’autorité fédérale”. Le droit des cultes attend depuis longtemps de tels critères. Un accord de coopération, conclu en 2004, annonça déjà une «législation fédérale spécifique sur les critères de reconnaissance»[[xiv]]. Quatorze ans plus tard, il n’ y a pas de trace d’une telle législation, même pas une avant-projet de loi. Or, on peut noter qu‘en 2010 déjà le Groupe de travail Christians-Magits a présenté une proposition pour une législation fédérale dans laquelle cette question des critères de reconnaissance faisait l’objet d’une piste de réponse [[xv]] ; depuis lors, rien ne s’est donc passé.

Curieusement, en ce qui concerne le bouddhisme, le Groupe de travail suggérait d’assigner une reconnaissance sans attendre cette loi-critères [[xvi]]. Cela ne me semble pas évident. Une question d’égalité de traitement se pose en effet : pourquoi reconnaître le bouddhisme de façon ad hoc, sans attendre l’adoption de la législation générale annoncée… il y a quinze ans dans l’accord de coopération?

Pourquoi ne pas donner cet avantage aux hindous ou à l’église syriaque, communautés qui attendent aussi depuis longtemps la reconnaissance? [[xvii]] En septembre 2018, Marc Uyttendaele signalait que «nombreux sont les cultes, tels les Bouddhistes, qui cherchent en vain, depuis longtemps, à obtenir leur reconnaissance. Cette impuissance frappe également des courants particuliers ou minoritaires de cultes plus larges. Ainsi, par exemple, les Alevis qui sont à peine représentés au sein de l’Exécutif des Musulmans de Belgique et qui pratiquent un islam original et particulier ont également en vain envisagé leur reconnaissance» [[xviii]]

-8- On ne peut cependant s’empêcher de penser qu’il n’y a pas, au niveau fédéral un sense of urgency, à l’égard des divers dossiers de reconnaissance en attente – en particulier le dossier du bouddhisme – ou en ce qui concerne l’engagement visé dans l’Accord de coopération. Cette attitude doit sans doute être rapprochée de l’attention considérable que le fédéral consacre au dossier du culte musulman. Cependant, il s’agit une fois encore d’un problème d’égalité : depuis presque vingt ans déjà, les bouddhistes cherchent une possibilité d’être reconnus, sans aucun résultat.

Les spécificités et sensibilités d’une reconnaissance
comme philosophie non-confessionnelle

-9- On ne peut soulever contre ces observations l’objection que le processus de reconnaissance de la laïcité organisée a demandé plus de vingt ans, de 1981 à 2002. En effet, pendant cette période, les laïques ont bénéficié de la plupart des privilèges matériels de la reconnaissance, et ce bien avant2002 : par exemple, en Communauté flamande [[xix]], la responsabilité pour les cours de morale ou la présence dans l’ aumônerie militaire ou, autre type de soutien, l’accès à la radio-télévision (chaînes publics) ou encore, en Communauté française le subventionnement des maisons de la laïcité. En 2018, les bouddhistes, eux, ne sont toujours pas éligibles à ce type d’avantages. Le régime juridique des communautés bouddhistes depuis la loi de 2008 (subside annuel prévu pour l’UBB) me semble donc nettement défavorisé par rapport à la situation de la laïcité organisée depuis la loi de 1981 (subside annuelle pour le Conseil central laïc (CCL)[[xx]]

-10- Que faire? Continuer coûte que coûte avec l’avant-projet de loi actuel et reconnaître le bouddhisme aussitôt dans un régime juridique sui generis, pour éviter d’être accusé de discrimination? Ce serait compréhensible, mais j’estime qu’ à long terme la multiplication de régimes divergents aggraverait le problème plutôt que l’inverse. L’avant-projet produirait  probablement de nouvelles discrimination. Déjà en 2008 le Conseil d’Etat, confronté aux premières étapes de la procédure de reconnaissance, avait signalé : “L’auteur de l’avant-projet doit être en mesure de justifier la différence de traitement du régime envisagé par rapport à celui qui est organisé pour les cultes reconnus et pour les organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle”[[xxi]]. Je crains que l’avant-projet de 2018 suscite des commentaires similaires.

-11- Il est probablement plus judicieux, comme suggéré par Stéphanie Wattier, de commencer par «une réflexion plus fondamentale sur la pertinence du maintien d’un soutien actif aux religions et aux organisations philosophiques non confessionnelles»[[xxii]]. Dans un Etat qui subventionne l’ensemble des activités sociales, il semblerait aussi nécessaire de verifier dans le cadre d’une telle réflexion s’il n’est pas discriminatoire de traiter moins favorablement les cultes et philosophies que les sports, la culture ou les arts. Demeure toutefois la question des modalités et également des critères d’une répartition équitable. Dans l’hypothèse où se confirme le maintien du régime actuel, une plus grande clarté serait certainement nécessaire (a) quant aux critères justifiant la reconnaissance d’une communauté religieuse ou philosophique et (b) quant à la marge de manœuvre du gouvernement dans la structuration de ces catégories. Il convient aussi d’éclaircir la signification de l’article 21, alinéa 1 de la Constitution. Une révision de cet article était prévue pour la législature 2014-2019 [[xxiii]], mais rien n’a été fait à cet égard.

-12- Par ailleurs, il faut savoir qu’une reconnaissance prématurée et hâtive au niveau fédéral n’aurait pas nécessairement pour effet que les régions (ou la Communauté germanophone) y donnent suite. Depuis 2017, la Région Flamande a tout simplement bloqué la reconnaissance de communautés locales (un moratoire non-discriminatoire, parce que d’application pour tous les cultes reconnus [[xxiv]]. Mais, en raison des choix asymétriques (discriminatoires ?) de la Loi Spéciale, il reste toujours possible d’échapper à ce type de résistance régionale : en effet, à l’heure actuelle, les Régions n’ont compétence qu’à l’égard des cultes et non à l’égard des communautés des organisations philosophiques reconnues sous l’article 181 § 2 Constitution…

-13 - Heureusement, dans les diverses traditions bouddhistes, la patience est une vertu…

Prof. Adriaan Overbeeke
Vrije Universiteit Amsterdam / Universiteit Antwerpen


[i]“Les traitements et pensions des délégués des organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle sont à la charge de l’État; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget. »

[ii]A. Overbeeke, “Bestuurlijke delicatesse of onverteerbare kost? Het boeddhisme in België op weg naar erkenning”, Strevenjanvier 2001, 24-35. ( https://streventijdschrift.be/bestuurlijke-delicatesse-of-onverteerbare-kost/)

[iii]S. Wattier, “ La reconnaissance du bouddhisme ou la légitimité du maintien d’un soutien actif aux convictions ?“, Observatoire juridique du fait religieux en Belgique, 6 novembre 2017 (http://ojurel.be/2017/11/06/2006-2017-le-long-chemin-du-bouddhisme/)

[iv]Doc. Parl. Chambre2007-2008, n°. 1200/1, p. 134.

[v]Note de politique générale de la ministre de la JusticeDoc. Parl. Ch.2006-2007, n° 2706/007, 31 octobre 2006.

[vi]S. Wattier, “ La reconnaissance du bouddhisme ou la légitimité du maintien d’un soutien actif aux convictions ?“, Observatoire juridique du fait religieux en Belgique, 6 novembre 2017.

[vii]Voy. Question orale W. Kennes, Parl.fl., Commissie voor Bestuurszaken, Binnenlands Bestuur, Inburgering en Stedenbeleid, 9 octobre 2018. (https://www.vlaamsparlement.be/commissies/commissievergaderingen/1275509/verslag/1275922)

[viii]Doc. Parl. Chambre2018-2019, n° 3296/15, p. 44.

[ix]Bull. Questions et Réponses Chambre 2018-2019, n° 171, 8 octobre 2018, p. 112 (Question n° 2842 Di Rupo) (http://www.dekamer.be/QRVA/pdf/54/54K0171.pdf)

[x]Décision 6 septembre 2018 et argumentation députation permanente de la province Anvers: (https://www.provincieantwerpen.be/content/dam/provant/dmco/griffie/provincieraad/agenda/2018/september/2-8%20DMCO-GRIF.pdf) (en néerlandais)

[xi]Art. 139 Loi 24 juillet 2008 portant des dispositions diverses (I), M.B. 7 août 2008.

[xii]Art. 2.12.5 Loi 1 juin 2008 contenant le budget général des dépenses pour l’année budgétaire 2008, MB7 juillet 2008. Récent : Art. 2.12.4 Loi. 22 décembre 2017 contenant le budget général des dépenses pour l’année budgétaire 2018, MB 28 décembre 2017.

[xiii]Note politique générale du ministre de la Justice(2008) Doc. Parl. Ch.2007-2008, nr. 995/3, p. 45-46.

[xiv]“«reconnaissance d’un culte» : la décision de l’autorité fédérale qui reconnaît un culte. Cette reconnaissance comporte l’établissement d’une législation fédérale spécifique sur les critères de reconnaissance, la détermination des moyens financiers nécessaires, la détermination par l’autorité fédérale de l’organe représentatif et la subsidiation éventuelle du fonctionnement de cet organe“. Art. 1, 1° Accord de coopération 27 mai 2004 entre l’Autorité fédérale, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale en ce qui concerne la reconnaissance des cultes, les traitements et pensions des ministres des cultes, les fabriques d’église et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, M.B.14 juin 2004.

[xv]Groupe de travail (Magits-Christians), La réforme de la législation sur les cultes et les organisations philosophiques non confessionnelles, 2010 (https://justice.belgium.be/sites/default/files/rapport_gt_ii_reforme_cultes_2010.pdf)

[xvi]art. 15 §2 proposition de loi. Ibid., p. 121.

[xvii]Bull. Questions et RéponsesSénat 2006-2007, n°.3-90, p. 10436 (Question n° 3-7915 De Schamphelaere du 24 avril 2007)

[xviii]M. Uyttendaele, «Le modèle belge de neutralité de l’État», 2 septembre 2018 (http://droit-public.ulb.ac.be/le-modele-belge-de-neutralite-de-letat/)

[xix]Art. 5 et 6§1 Décr. fl. 1 décembre 1993 relatif à l’inspection et à l’encadrement des cours philosophiques, M.B.21 décembre 1993.

[xx]Loi 23 janvier 1981 relative à l’octroi de subsides aux communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, M.B.8 avril 1981. (en vigueur : 1981-2002)

[xxi]Avis. Conseil d’Etat, nr. 44.351/1/2/3.4., Doc. Parl. Chambre 2007-2008, n°. 1200/1, p. 303.

[xxii]S. Wattier, “ La reconnaissance du bouddhisme ou la légitimité du maintien d’un soutien actif aux convictions ?“, Observatoire juridique du fait religieux en Belgique, 6 novembre 2017 (http://ojurel.be/2017/11/06/2006-2017-le-long-chemin-du-bouddhisme/)

[xxiii]Déclaration de révision de la Constitution, M.B.28 avril 2014.

[xxiv]« Liesbeth Homans bloque la reconnaissance de mosquées en Flandre: « Nos lois se situent au-dessus » http://rtlinfo.rtl.be/info/belgique/politique/mme-homans-veut-durcir-encore-les-criteres-de-reconnaissance-des-mosquees-en-flandre-890878.aspx



2006-2017 le long chemin du bouddhisme

THAILAND TSUNAMI ANNIVERSARY MEMORIAL 

La reconnaissance du bouddhisme ou la légitimité du maintien d’un soutien actif aux convictions ?

Comme on le sait, cela fait plus de dix ans que le bouddhisme est en attente d’une reconnaissance par le législateur fédéral en Belgique. Plus précisément, sa demande remonte au 20 mars 2006 où l’Union bouddhique belge réclamait sa reconnaissance en tant que comme « spiritualité non théiste »[1]. En ce sens, c’est bien en tant qu’organisation philosophique non confessionnelle au sens du second paragraphe de l’article 181 de la Constitution que le bouddhisme demande à être reconnu par l’Etat, et non en tant que religion.

A la suite de la demande de reconnaissance introduite en 2006, l’on se souviendra que le législateur n’avait pas purement et simplement accepté ou refusé la reconnaissance mais avait formulé, en juillet 2008, une série de dispositions préparatoires en vue d’ « opérer la structuration du bouddhisme »[2]. A partir de novembre 2008, le Gouvernement fédéral a organisé un régime transitoire par arrêté royal[3] et, depuis lors, un crédit de fonctionnement est attribué chaque année à l’Union bouddhique belge aux fins de sa structuration[4].

Depuis quelques mois, le processus s’est accéléré, avec notamment de nombreux contacts entre l’Union bouddhique belge et le Ministre de la Justice Koen Geens. Dans une interview au journal SudPresse, Carlo Luyckx, président de l’Union bouddhique belge, évoquait une possible reconnaissance dès janvier 2018[5]. Les dernières informations disponibles confirment cette reconnaissance dans les prochains mois[6] et, au plus tard, à la fin de la législature actuelle, à savoir en mai 2019.

Aussi, aux côtés de la laïcité organisée – qui, pour rappel, est reconnue depuis 2002 – sera reconnue en Belgique une seconde organisation philosophique non confessionnelle, laquelle bénéficiera donc du financement des traitements et des pensions de ses délégués, de cours organisés dans les établissements scolaires du réseau officiel, d’aumôniers dans les prisons et les hôpitaux, etc. puisque toutes ces prérogatives découlent automatiquement de la reconnaissance étatique.

De prime abord, la reconnaissance du bouddhisme peut sembler constituer simplement la suite logique du processus entamé depuis 2006 et répondre aux besoins des adhérents et des sympathisants du bouddhisme puisque ceux-ci s’élèveraient désormais à environ 130 000 personnes[7].

Il demeure qu’au-delà de cette réalité, la reconnaissance du bouddhisme est intéressante dans le cadre d’une réflexion plus fondamentale sur la pertinence du maintien d’un soutien actif aux religions et aux organisations philosophiques non confessionnelles. En effet, de la même façon que le Constituant dérivé de 1993 a opté pour un « nivellement par le haut » en ouvrant la reconnaissance aux organisations philosophiques non confessionnelles au même titre que les cultes plutôt qu’une suppression pure et simple de tout type de financement public aux religions, l’on pourrait avancer l’argument selon lequel la reconnaissance prochaine du bouddhisme va dans le sens d’une confirmation de la pertinence – voire de la légitimité – du financement public des cultes et des organisations philosophiques non confessionnelles.

Si, du point de vue du droit positif, c’est certainement le respect du principe d’égalité et de non-discrimination qui justifie cette reconnaissance au même titre que celle de la laïcité puisque le bouddhisme remplit désormais les critères pour être reconnu, il reste que la question de la pertinence et celle de la légitimité méritent d’être réfléchies. Elles le méritent d’autant plus qu’outre l’ « utilité sociale » des religions et des philosophiques pour justifier leur financement, l’on sait que c’est l’argument du contrôle des agissements des religions et l’évitement des financements obscurs qui est généralement invoqué pour (re)justifier aujourd’hui leur financement public.

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Stéphanie Wattier

Chargée d’enseignement et chercheuse postdoctorale à l’UNamur
Chargée de recherche honoraire du F.R.S.-FNRS à l’UCL
Chercheuse associée à la Chaire de droit des religions de l’UCL

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[1] A.R. du 20 novembre 2008 portant réglementation relative à l’octroi de subsides à l’association sans but lucratif « Union Bouddhique belge », M.B., 5 décembre 2008. Voy. les commentaires de L.-L. Christians, « Bouddhisme belge méconnu« , Observatoire juridique du fait religieux en Belgique, 2016

[2] Doc. Parl., Ch. repr., sess. ord. 2007-2008, n° 1200/1, p. 133.

[3] A.R. du 20 novembre 2008 portant réglementation relative à l’octroi de subsides à l’association sans but lucratif « Union Bouddhique belge », M.B., 5 décembre 2008.

[4] Voy. not. : A.M. du 9 août 2012 relatif à l’attribution d’un subside de 221.000 EUR pour le fonctionnement de l’Union bouddhique Belge, M.B., 12 septembre 2012 ; A.M. du 27 mai 2013 relatif à l’attribution d’un subside de 206.000 EUR pour le fonctionnement de l’Union bouddhique belge, M.B., 19 juin 2013 ; A.M. du 14 février 2014 relatif à l’attribution d’un subside de 205.000 EUR pour le fonctionnement de l’Union Bouddhique Belge, M.B., 9 avril 2014. L’on remarquera, par ailleurs, que la subsidiation éventuelle du fonctionnement de l’organe représentatif par la collectivité fédérale est désormais prévue par l’article 1, 1°, de l’Accord de coopération du 2 juillet 2008.

[5] C. Carpentier, « Le bouddhisme en passe d’être reconnu par le gouvernement », SudPresse, 21 avril 2017.

[6] C. Laporte, « Les bouddhistes belges ouvrent leurs portes », La Libre, 18 octobre 2017.

[7] C. Laporte, « Les bouddhistes belges ouvrent leurs portes », La Libre, 18 octobre 2017.



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