Un organisme représentatif anglican – à propos de la viabilité de l’arrêté royal du 11 juillet 1923

AR 1023 anglicanisme

Une reconnaissance très particulière

-1- La position propre de l’anglicanisme en tant que titulaire distinct de la rémunération des ministres prévue à l’art. 181 Const. est assez particulière, surtout depuis 1870. En effet, à partir de cette année-là, l’anglicanisme figure en tant que ‘culte’ distinct dans la législation sur les cultes, grâce à son entrée spécifique dans l’article 18 de la loi du 4 mars 1870 sur le temporel des cultes. Il y est question du régime “des églises protestante, anglicane, et israélite ».

Première étape : obtention des salaires (1835)

-2- Au départ, il n’en a pas été ainsi. La première demande de soutien ne consistait pas en une demande de reconnaissance d’un nouveau culte, mais concernait uniquement l’obtention d’une partie du budget voté en faveur du protestantisme pour les salaires des ministres du culte protestants.[i]  La confession protestante n’existait pas de façon unifiée à l’époque. Les salaires de l’année 1835 ont été attribués à différentes dénominations de différentes traditions protestantes. Il n’était donc pas étrange de financer les salaires de certaines paroisses anglicanes. Cependant, la rémunération des ministres anglicans a connu des problèmes, précisément en raison de son caractère anglais. C’est ce qui ressort des discussions parlementaires sur l’attribution de salaires au clergé anglican en 1835.[ii]

-3- En favorisant l’anglicanisme, la Raison d’Etat a peut-être joué un rôle.[iii]  La position du nouvel État belge n’était pas encore stabilisée. La première attention administrative à une éventuelle rémunération du clergé anglican est attribuée au roi Léopold Ier lui-même, qui, en 1834, s’intéresse aux salaires des chapelains anglicans à Bruxelles, Anvers, Ostende et Spa.[iv]  Il semble que cela ait aidé, car avec une rapidité extraordinaire[v], le ministre de l’Intérieur a inclus dans le projet de budget pour 1835 une somme pour les salaires de quatre ministres anglicans.

Il convient de noter que la décision parlementaire de financer (c’est-à-dire de reconnaître) les communautés ecclésiastiques anglicanes s’inscrit dans le cadre du débat sur la loi budgétaire. Le Parlement a évalué la nécessité de financer les salaires supplémentaires dans cette optique. Par ailleurs, il n’existait pas de législation spécifique pour la reconnaissance des nouveaux cultes, que ce soit à l’époque ou aujourd’hui.[vi]

-4- Il s’agissait en 1835 d’une augmentation du budget des cultes protestants, mouvement religieux déjà considéré comme ‘reconnu’ (et financé) à l’indépendance. [vii] Le fait que le gouvernement lui-même ait vu les choses ainsi ressort à la fois de la préparation officielle[viii] précédant la reconnaissance et de la rédaction des lois de finances successives après 1835[ix], et plus encore de la classification de l’anglicanisme dans le titre II du projet de loi Tesch de 1864 (précurseur de la future loi de compromis du 4 mars 1870), chapitre intitulé “concernant le temporel du culte protestant« .[x]  Il n’y a donc pas de véritable reconnaissance nouvelle en 1835. Et en effet même en laissant de côté l’autodéfinition de l’anglicanisme, on peut constater que les communautés anglicanes locales et les autres communautés protestantes de la nouvelle Belgique ont une histoire parfois fortement enchevêtrée.[xi] La ‘reconnaissance’ des communautés anglicanes en 1835 a cependant montré que le budget des cultes, sous réserve de l’accord des Chambres, pouvait être élargi sans autre forme de procès à d’autres dénominations que celles traditionnellement présentes dans le budget, à savoir les diverses communautés protestantes existantes d’obédience luthérienne et réformée.[xii]

-5- Cette ‘reconnaissance’ de 1835 est donc simplement la décision (du législateur) de financer une dénomination supplémentaire dans le cadre des cultes protestants reconnus.

Ceci est important en 2023 car, en tant que dénomination distincte reconnue à l’époque, l’anglicanisme est maintenant de plus en plus traité sur un pied d’égalité avec les religions reconnues tels que le protestantisme ou le judaïsme[xiii]  (sans avoir à répondre au critère numérique imposé plus tard dans les nouvelles reconnaissances, à savoir qu’un culte cherchant une reconnaissance légale doit avoir plusieurs dizaines de milliers d’adeptes). L’égalité de traitement des quatre cultes reconnus, telle qu’énumérée il y a 150 ans dans la loi du 4 mars sur le temporel du culte 4 mars 1870, a une portée plus large que ce que l’on aurait pu imaginer à l’époque.

-6- En 1835, la reconnaissance des communautés anglicanes est presque complète, du moins si l’on y voit l’application de ce que prévoit l’art. 181 de la Constitution; la rémunération des ministres anglicans est effectuée. Sur un point important, cependant, il y a une différence avec les paroisses catholiques et les quelques communautés protestantes reconnues qui subsistaient au moment de l’indépendance (1830). Alors que ces dernières possèdent toutes un statut juridique spécial (fabriques d’église), les anglicans en sont dépourvus. Par conséquent, les communautés anglicanes locales, en tant que communautés, ne peuvent pas posséder de bâtiments d’église en tant que propriétaires. Les communautés locales anglicanes reconnues ne sont pas les seules concernées dans cette situation, les communautés israélites le sont également[xiv]. Cette situation inégale ne disparaîtra qu’avec l’adoption de la première loi belge sur le temporel du culte, en 1870.

-7- Enfin, la reconnaissance des communautés religieuses anglicanes en 1835 est la seule qui ait fait l’objet d’une vive polémique dans la presse belge.[xv]  La reconnaissance de l’Islam (en 1974) et celle de l’Eglise orthodoxe (en 1985) n’ont pas donné lieu à de telles polémiques, même si, dans chaque cas, la position de « religion étrangère » était également en cause.

Deuxième étape – le temporel du culte anglican (1870)

-8- La préparation d’un statut juridique distinct et plus égalitaire pour l’anglicanisme avait déjà été envisagé dès 1864, lorsque le projet de loi initial (le projet-Tesch) a inclus la disposition suivante dans le chapitre sur le protestantisme: “L’administration du temporel du culte anglican sera organisée par arrêté royal en prenant, autant que possible, pour base les dispositions de la présente loi ».[xvi] L’explication est la suivante : “Cette organisation ne peut être décidée avant que l’on sache comment les communautés anglicanes souhaitent être représentées pour bénéficier des avantages de la loi ».[xvii]  Il semble donc que l’autonomie organisationnelle ait été prise au sérieux.

-9- Les structures de l’anglicanisme – en particulier l’existence de différents courants au sein d’une même confession – préoccupe le Sénat dès 1835. Il n’a pas échappé au sénateur Baron de Pélichy, par exemple, qu’il existe à Bruxelles deux communautés anglicanes différentes, et il se demande immédiatement ce que fera le gouvernement si les deux demandent une part des subsides.[xviii]

En 1838, le ministre en charge, à l’époque ministre de l’Intérieur, en a eu un premier aperçu: deux ministres différents ont revendiqué le seul salaire alloué au prêtre de la communauté anglicane d’Ostende. Cette revendication a conduit le gouvernement belge à rechercher une autorité anglicane qui pourrait lui donner une réponse définitive quant à l’identité du véritable et authentique ministre du culte anglican à Ostende.[xix] La recherche d’une autorité religieuse est donc presque aussi ancienne que l’État belge lui-même.

-10- La loi sur le temporel du culte du 4 mars 1870 constitue l’occasion de réaliser un souhait important du gouvernement : la création pure et simple d’un Comité central, point de contact central pour le culte anglican, destiné à assumer la tâche liée à la gestion matérielle des conseils locaux anglicans à établir. [xx]  La manière de procéder est unique, car les structures religieuses (hiérarchiques) existantes ne semblent pas avoir été prises en compte lors de la création de cet organe. Au contraire : à partir de 1875, le gouvernement se dote donc lui-même d’un représentant qui, selon l’arrêté royal qu’il a adopté, ne serait responsable que de la gestion du temporel, et non des questions relatives à l‘application de l’art. 181 Const.[xxi]  La thèse selon laquelle l’objectif aurait été en 1875 de “mettre fin à l’intervention d’une autorité étrangère dans la nomination de chapelains dont le traitement est pris en charge par l’État belge »[xxii] ne me semble donc pas tout à fait correcte.

La nomination des membres du Comité central est laissée au gouvernement belge, en l’occurrence au ministre de la Justice.[xxiii]Toutefois, ce ministre ne peut choisir que parmi les ministres rémunérés du culte anglican, c’est-à-dire parmi les membres d’un corps qui est  (pour l’Église d’Angleterre du moins) nommé par l’évêque anglican ayant la responsabilité religieuse du diocèse. Indirectement, l’autorité ecclésiastique détermine donc la composition du Comité central.

-11- Il convient de noter que, pour l’application pratique de la législation de 1870, le gouvernement, en établissant ce Comité, inconnu du droit canonique anglican, supprimait ainsi le parallèle avec la position de l’évêque catholique romain : ce n’est pas l’évêque anglican compétent mais le gouvernement qui habilite et nomme les membres d’un organisme établi par le gouvernement lui-même. [xxiv]

La manière dont le gouvernement belge élabore une réglementation spécifique pour le temporel du culte anglican, prévoyant la création de ce Comité central, est d’autant plus remarquable que la loi de 1870 ne lui avait pas accordé ce pouvoir. Dans son arrêté royal du 17 janvier 1875[xxv], le gouvernement crée lui-même cet organe. Il ressort de l’article 14 de cet arrêté qu’il s’agissait alors d’une construction provisoire en ce qui concerne les nominations du personnel.[xxvi]

Troisième étape – opter pour de nouvelles relations ? (1923-2023)

-12- Toutefois, l’organe a fini par devenir permanent. Il est caractéristique que la nomination de ses membres est toujours effectuée par le ministre de la Justice. Ceci est inscrit dans un AR du 11 juillet 1923, qui est toujours d’application aujourd’hui.[xxvii]

La question se pose de savoir si cette construction particulière (qui, d’un point de vue purement formel, va plus loin dans le domaine de la nomination des membres de l’organe que l’intervention plus récente du gouvernement dans les structures islamiques) peut être perpétuée.

Ici, on pourrait objecter que, au fil du temps, l’anglicanisme s’est tellement attaché au Comité Central qu’il préfère conserver cet organe autrefois conçu par le gouvernement. Le site web du Comité Central montre clairement quelque chose de ce genre.[xxviii]  L’anglicanisme belge s’est donc en quelque sorte approprié le Comité Central et lui a donné au fil du temps une fonction propre. Ceci est parfaitement défendable : la liberté organisationnelle signifie qu’une religion se façonne elle-même et, ce faisant, il n’appartient pas au gouvernement d’exiger que ce façonnement soit également conforme à 100 % au droit interne (canon law) de l’Église.

-13- En tout état de cause, ce qu’un ministre du gouvernement belge ne peut plus faire sans violer les principes constitutionnels et conventionnels d’autonomie organisationnelle et de séparation de l’Église et de l’État, c’est nommer des membres d’un organe religieux comme le Comité central, même si celui-ci a progressivement assumé une fonction de représentation des intérêts des communautés anglicanes de l’Église d’Angleterre en Belgique à partir de 1875.

L’ arrêté royal du 11 juillet 1923 devrait donc être abrogé, de sorte que le Diocese in Europe (Church of England), à savoir l’Eglise elle-même, soit libre de décider quels sont les organes responsables des contacts avec le gouvernement, en ce qui concerne le temporel du culte (car c’est le domaine actuel pour lequel le Comité central a été rendu compétent en vertu de la loi belge), mais aussi dans d’autres domaines. Une telle mesure ne sert pas seulement la liberté (et l’égalité), mais place le gouvernement dans une position qui lui permet de maintenir sa neutralité dans le domaine sensible de la formation des organisations religieuses.

Enfin, l’objection de 1875 (qui ne devrait pas être un argument recevable en droit belge) selon laquelle les anglicans sont dirigés depuis l’étranger ne s’applique plus à l’Église d’Angleterre : l’évêque actuel réside à Bruxelles.[xxix]

Adriaan OVERBEEKE
Universiteit Antwerpen – VU Amsterdam

[i] Demande de subvention Eglise anglicane d’Ostende, le chapelain Marcus au ministre de l’Intérieur 11 mai 1832 (Ministère de la Justice, Cultes, dossier n° 22548A). Voir à ce sujet C. LANNOY-PAYNJON, L’Anglicanisme en Belgique au XIXe siècle jusqu’en 1875, thèse de licence UCL, Louvain, 1962, 50-51. Sur les relations parfois compliquées entre les communautés anglicanes locales et les églises protestantes continentales, voir J. E. PINNINGTON, “Anglican Chaplaincies in Post-Napoleonic Europe : A Strange Variation on the Pax Brittanica”, Church History, Vol. 39, 1970, 327-344.

[ii] Voir le compte rendu de la discussion budgétaire à la Chambre des représentants le 23 janvier 1835 (M.B. 24 janvier 1835) et au Sénat le 11 février 1835 (M.B. 12 février 1835). Sur cette discussion: H. VAN GOETHEM, “Het beginsel van verdraagzaamheid in de Belgische grondwet: een historische duiding”, in J. VELAERS (ed.), Recht en verdraagzaamheid in de multiculturele samenleving, Antwerpen, Maklu, 1993, (33) 60-62.

[iii] J. De Groof l’explique comme suit : “L’importance du commerce avec l’Angleterre elle-même, ainsi que l’influence personnelle du roi Léopold Ier ont conduit au subventionnement du culte anglican à partir de 1831 (…)” [= 1835]. J. DE GROOF, “De herziening van het art. 117 van de Grondwet en de erkenning van de vrijzinnigheid”, T.B.P. 1986, (469) 470.

[iv] H.R. BOUDIN, “Le Roi Léopold et les communautés protestantes en Belgique”, Bulletin de l’Association pour l’histoire du protestantisme belge, n° VIII-9, 1981, (237) 251. Il est fait référence à une lettre de Van Praet au ministre de l’Intérieur datée du 30 juillet 1834 (Ministère de la Justice, Cultes, dossier n° 22489 A). Le dossier de reconnaissance d’Ostende (Archives nationales de Bruges) contient une pétition adressée à Léopold Ier par le révérend Charles Clifton en date du 13 mai 1833, dans laquelle il se présente comme un ministre appelé par les “protestants résidents”, et qu’il est en attente “de l’allocation annuelle que, sous la dernière dynastie, son prédécesseur a reçue”. (Archives d’Etat de Bruges, 3° section, dossier 387, Culte réformé 1831-1840, inv.no. 1071). Voir également la pétition du pasteur gantois Charles Perry Wyatt datée du 18 août 1853 (Archives de l’État de Beveren, archives provinciales de Flandre orientale, inv. no. 1/2568/7).

[v] Entre un rappel (de la lettre précitée du 30 juillet 1834) de la Cour du 18 novembre 1834 et le premier arrêté du 18 avril 1835 (deux communautés anglicanes à Bruxelles), il ne s’est écoulé que cinq mois. Voir aussi : E.M. BRAEKMAN, Histoire du Protestantisme en Belgique au XIXme SieclePremière partie 1795-1865, Flavion, Le Phare, 1988, 104-105.

[vi] Voir http://belgianlawreligion.unblog.fr/2022/04/28/le-regime-belge-des-cultes-reconnus-pas-de-probleme-en-soi-pour-strasbourg-mais-ou-est-la-procedure-de-reconnaissance-federale/http://belgianlawreligion.unblog.fr/2022/04/06/la-belgique-condamnee-pour-discrimination-envers-les-cultes-non-reconnus/

[vii] Voir A. OVERBEEKE, “Inrichtingsvrijheid op het terrein van eredienst en school. De zoektocht naar godsdienst-gesprekspartners bij oude en nieuwe minderheidsgodsdiensten”, in Recht en verdraagzaamheid in de multiculturele samenleving, Antwerpen, Maklu, 1993, (97) 121. Voir aussi le fait que, par exemple, le pasteur anglican d’Ostende en 1834 était responsable de l’assistance spirituelle des croyants anglicans, calvinistes et luthériens. Lorsqu’il s’agit d’obtenir une allocation pour l’Église anglicane de Gand, le pasteur anglican Wyatt se présente en 1853 comme “ministre de l’Église réformée anglaise” : pétition adressée au roi Léopold Ier le 18 août 1853 (Archives de l’État de Beveren, Archives de l’administration provinciale de Flandre orientale, inv. n° 1/2568/7).

[viii] Dans une note ministérielle (secr.-gén. Dugnoille) du 17 octobre 1834, lorsqu’il devient clair que d’éventuels salaires seront accordés aux églises anglicanes d’Anvers, de Bruxelles, d’Ostende et de Spa, il est noté que cette charge pèsera sur le budget du culte protestant, mais que la marge de manœuvre pour les imprévus est faible dans le processus. Il est donc suggéré par le secr.-gén. de saisir le législateur car la question se pose de savoir “si les anglicans ont droit à avoir un culte salarié par le gouvernement belge”. Données de : C. LANNOY-PAYNJON, o.c., 54-55.

[ix] Voir, par exemple, chapitre V, art. 2 Loi du 31 mars 1836 contenant le budget du ministère de l’Intérieur pour 1836, Bull Off. N° XIX, n° 141 (qui, nota bene, ne mentionne même pas l’anglicanisme séparément) ; voir, après 1870, art. 31 Loi du 25 décembre 1874 contenant le budget du Ministère de la Justice pour l’exercice 1875, Verz. Wett. Besl., 1874, 1008 (section “culte protestant et anglican”), etc.

[x] Voir art. 142 du projet de loi-Tesch, Doc. Parl. Chambre, 1864-65, no. 28, 270.

[xi] C’est notamment le cas des églises protestantes et anglicanes de Malines et d’Ostende. Voir J. E. PINNINGTON, “Anglican Chaplaincies in Post-Napoleonic Europe: A Strange Variation on the Pax Brittanica”, Church History, Vol. 39, 1970, 327-344. J. P. FALISE, “De anglikaanse kerk te Oostende”, De Plate 1992, pp. 214-222 (via https://www.vliz.be/imisdocs/publications/315424.pdf).

[xii] Position adoptée encore en 1928 au sein de l’administration Cultes du ministère de la Justice. Voir la note du 15 février 1928 dans le dossier de demande de reconnaissance d’une église orthodoxe (Ministère de la Justice, Cultes, dossier n° 21.001B).

[xiii] Notamment : l’établissement d’un cours de religion anglicane distinct dans la communauté flamande depuis 1991, l’attribution d’une aumônerie anglicane distincte dans les prisons depuis 1999.

[xiv] Comme toutes les nouvelles communautés des cultes minoritaires auxquelles un traitement d’un ministtre de culte a été attribué à partir de 1831, les paroisses des Pâturages (annexée à l’ l’église de Dour lors de l’attribution de le salaire), de La Bouverie (idem, annexée à l’église protestante de Dour), de Seraing (idem, annexée à l’église protestante de Liège) n’ont acquis un conseil d’administration et donc une personnalité juridique qu’en 1871, par des arrêtés royaux d’exécution de la loi du 4 mars 1870.

[xv] Sur la polémique dans la presse belge entre partisans et adversaires du culte anglican comme culte à financer, voir C. LANNOY-PAYNJON, o.c., 57-87.

[xvi] Art. 146 du projet de loi-Tesch, Doc. Parl. Chambre, 1864-65, no. 28, 149.

[xvii] Exposé de motifs du projet de loi-Tesch, Doc. Parl. Chambre, 1864-65, no. 28, 75.

[xviii] Compte rendu Sénat, 13 février 1835, M.B. 14 februari 1835. Sur la base de ses recherches, Lannoy-Paynjon affirme que de Pélichy a bien prédit le type de problèmes auxquels le gouvernement serait confronté. C. LANNOY-PAYNJON, o.c., 79.

[xix] Voir en relation avec ce conflit salarial anglican et comment, par la suite, une fédération d’églises protestantes, le Synode de l’Union des églises protestantes-évangéliques, a finalement été créée : H. BOUDIN, Les relations entre les Eglises protestantes et l’Etat en Belgique (1814-1839), thèse de doctorat, ULB, Fac. de philosophie et lettres,1975-76, 629 et suiv.

[xx] Art. 12 et 14 A.R. 17 janvier 1875 instituant un conseil d’administration pour la gestion des intérêts temporels du culte près de l’église anglicane érigée à Ixelles,, M.B. 24 janvier 1875.

[xxi] R.P.D.B., v°. Cultes, n° 1295. Dans un litige portant sur la nomination ou la révocation d’un ministre anglican, on vérifie si la décision a été prise par l’autorité religieuse compétente, c’est-à-dire l’évêque. Trib. Verviers 26 juillet 1882, Pas. 1882, III, 268 ; Liège 22 mars 1883, Pas. 1883, II, 157. Lannoy-Paynjon observe, sur la base de ses recherches archivistiques, que le champ d’action du Comité s’étendait effectivement au-delà du temporel, mais sous conditions: “C’est ce comité qui fera les démarches nécessaires en vue des besoins des communautés actuelles ou en vue de la création de nouvelles communautés. C’est lui qui soumettait au gouvernement les nominations de nouveaux chapelains, mais il s’engageait à ne le faire qu’après le réception de la licence de l’Evêque de Londres.” C. LANNOY-PAYNJON, o.c., 246-247. L’auteur note que l’ingérence va loin, puisque le comité “intervenait très souvent pour approuver ou désapprouver les nominations des chapelains”. (l’auteur note ceci sur la base d’une recherche dans les archives du Ministère de la Justice, Cultes, dossier no 13,824). Ibid., 249.

[xxii] Voir CRISP, Vocabulaire politique, “Culte Anglican” https://www.vocabulairepolitique.be/culte-anglican/

[xxiii] Au moins formellement : voir AR 11 juillet 1923, M.B. 30-31 juillet 1923, qui stipule que les trois membres du Comité sont nommés par le ministre de la Justice. Décision de nomination la plus récente : A.M. 13 octobre 2022, M.B. 12 janvier 2023 (Monsieur Stephen Murray, démissionnaire, remplacé par Madame Catriona Laing, membre du Comité Central du Culte Anglican en Belgique).

[xxiv] D’ailleurs, les juridictions présentes sur le territoire belge ne se limitent pas à celle du Diocese in Europe de l’Eglise d’Angleterre. L’église anglicane All Saints’ Episcopal Church de Waterloo, reconnue en 2001, fait partie de la Episcopal Church et est placée sous son autorité. (en particulier, l’évêque responsable de la Convocation of Episcopal Churches in Europe)( http://www.tec-europe.org/our-faith/what-we-do/about-the-convocation-of-episcopal-churches-in-europe/). Sur cette dénomination distincte de l’Église d’Angleterre et sur les juridictions anglicanes qui se chevauchent en Europe, voir P. WHALON, “Should The Episcopal Church Create a Missionary Diocese in Europe ?”, Journal of Anglican Studies, 2020, 251-263.

[xxv] A.R. 17 janvier 1875 instituant un conseil d’administration pour la gestion des intérêts temporels du culte près de l’église anglicane érigée à Ixelles, M.B. 24 janvier 1875.

[xxvi] “Le comité central sera provisoirement composé de trois pasteurs anglicans, qui seront désignés par le ministre de la justice parmi ls pasteurs rétribués par l’Etat.”

[xxvii] Voir F. AMEZ, “La représentation des cultes reconnus”, R.R.S. 2009, (11) 40.

[xxviii] Le site web du Comité Central (https://www.centralanglican.be/que-faisons-nous) indique : “Le Comité Central du Culte Anglican en Belgique :

  • -représente le christianisme anglican auprès du Royaume de Belgique,
  • -collabore avec toutes les autorités séculières du pays, en particulier avec le Service Public Fédéral Justice, le Conseil du Dialogue et le Vlaams Interlevensbeschouwelijke Dialoog,
  • -nomme administrativement les ministres du culte (chapelains et autres) à nos paroisses reconnues, en concertation avec les évêques,
  • -dirige et enterprend le processus formel de reconnaissance officielle de nouvelles paroisses et de nouveaux postes pastoraux,
  • -contrôle et approuve les budgets et les comptes des paroisses avant qu’ils soient envoyés aux autorités communales ou provinciales,
  • -surveille et soutient le travail du Comité de l’Education Religieuse Anglicane (CAGO) relatif aux écoles publiques néerlandophones en Flandre et en région bruxelloise, 
  • -surveille et soutient nos aumôniers de prison anglicans en milieu carcéral, ainsi que dans les autres établissements pénitentiaires, 
  • -maintient des relations oecuméniques et inter-religieuses chaleureuses et fructueuses, 
  • -organise, en pleine collaboration avec les autres cultes reconnus et avec la laïcité reconnue, des conférences sur des sujets sociaux contemporains, 
  • -organise, en pleine collaboration avec les autres cultes reconnus et avec la laïcité reconnue, un cours de formation inter-religieuse destiné aux professionnels religieux, 
  • -participe activement, avec les autres cultes reconnus, à des projets tels que les Couloirs Humanitaires Belgique. Le Comité Central s’implique encore, avec les autres cultes reconnus et avec la laïcité, dans d’autres projets promouvant les valeurs humanistes.”

[xxix] remarqué par P. WHALON, l.c., (251) 258.



Le régime des cultes en Flandres : enjeux et débats

charter Kardinaal tekent

L’episkopos en tant que contrôleur ou en tant que protecteur

En tant que président du Synode Fédéral[1] des Églises protestantes et évangéliques de Belgique (ci-après : Synode Fédéral), je voudrais faire la lumière sur la question du projet de décret de la Région flamande sur la reconnaissance des communautés religieuses (Décret de reconnaissance)[2], que le gouvernement flamand aimerait voir approuvé à court terme. Cette contribution peut être lue comme une réponse à De l’‘épiscopalisation’ du droit des cultes en Flandre du Professeur Overbeeke, mais peut aussi être lue indépendamment. Je ne parle donc pas en tant que juriste – je ne suis pas juriste – mais en tant qu’expert en expérience, tant dans le régime interne du culte protestant et évangélique que dans les relations de l’Église et de l’État (ou plus largement : entre les convictions et les autorités civiles) en Belgique. En tant que président du Synode Fédéral, je suis également coprésident du Conseil Administratif du Culte Protestant et Évangélique (CACPE) ; le président de l’Église Protestante Unie de Belgique est l’autre coprésident.

Histoire et raison d’être du Synode Fédéral

Le Synode Fédéral a été créé en tant qu’association de coopération volontaire de dénominations protestantes et évangéliques (voir Creemers 2017). Cela s’est passé le 3 janvier 1998 à Anderlecht, à un jet de pierre des bureaux actuels du CACPE et du Synode Fédéral. Certes, cette coopération était due aux pressions du temps, mais on ne peut pas dire pour autant qu’on ne savait pas ce qu’on faisait ou qu’on réunissait des dénominations qui sinon n’auraient jamais travaillé ensemble(cf. Overbeeke 2020: §9). Le Synode Fédéral contient l’étendue de l’Alliance évangélique, mais évidemment sans les églises qui sont dans l’autre branche du CACPE. En bref, le Synode Fédéral est un partenariat volontaire qui cherche à représenter et à défendre les intérêts des dénominations affiliées et du culte protestant et évangélique en général dans la matière complexe de la relation entre l’Église et l’état, et de manière plus générale entre l’Église et la société, là où des dénominations individuelles ne sont pas remarquées par la société. C’est ainsi que, par exemple, la définition de ‘Pasteur’ a également été établie au sein du Synode Fédéral par accord, qui a ensuite été approuvée par le Conseil central du CACPE. Étant donné que cette définition vise principalement le fonctionnement du pasteur, il y a assez de place pour les différentes dénominations pour y ajouter des exigences complémentaires. Le droit de la dénomination n’est donc pas réduit, mais bien harmonisé.

Histoire et raison d’être du CACPE

Le CACPE est actif en tant qu’organe représentatif reconnu (ci-après : organe représentatif) du culte protestant et évangélique depuis 2003 (voir Creemers 2018), constitué de deux ailes : l’Église Protestante Unie de Belgique et le Synode Fédéral. Il est dit du CACPE que ce serait un mariage forcé par le Ministre de la Justice, mais on perd de vue le fait que le CACPE unit des églises qui ont des confessions de foi semblables, qui parfois changent de dénominations et même d’aile au sein du CACPE et qui gèrent conjointement toutes sortes d’organisations pour l’annonce de l’Évangile et l’édification de l’Église. Le CACPE est entre-temps également assez large pour vraiment héberger tout ce qui peut être appelé “protestant et évangélique” et cherche une reconnaissance dans les relations avec les autorités civiles. Il ne faut pas nous reprocher de ne pas être ouverts à certains groupes qui, historiquement, sont issus du protestantisme, mais ont théologiquement formé leur propre groupe sectaire. Je me rends compte que c’est subjectif, mais la grande majorité d’un culte a aussi le droit de se définir, il me semble.

La situation belge

Toute cette construction ne peut être comprise que dans le contexte de la situation belge complexe, avec les relations typiques entre les autorités civiles et les convictions, une « séparation de l’Église et de l’État » très nuancée. Il y a un peu plus de 11 millions d’opinions en Belgique, six cultes reconnus (je ne parle pas ici d’humanisme libéral, qui est parfois mis sur le même pied d’égalité que les cultes et est parfois sur un meilleur pied d’égalité avec les autorités civiles) et quelques milliers de communautés religieuses locales, dont une grande partie reçoit un poste de ministre du culte[3]financé, mais également une grande partie ne l’a pas. C’est ainsi que fonctionne le système belge, avec ces postes financés ; que l’on n’oublie pas que dans d’autres pays, la fiscalité est souvent plus favorable au culte que le système des ministres du culte financés. Nous partons rarement, voire jamais, d’une feuille blanche, mais plutôt d’une situation qui, pour des raisons historiques et à cause des faiblesses humaines, est plus compliquée qu’elle ne semble théoriquement nécessaire.

Besoin d’un organe représentatif fort 

Nous rêvons tous de beaucoup de liberté et d’autorités civiles aimantes qui garantissent la sécurité pour réaliser tous nos souhaits. Malheureusement, la réalité est un peu plus récalcitrante. C’est pourquoi nous devons mettre en place des structures, insister sur les libertés fondamentales et négocier au sujet de ressources limitées. Les libertés fondamentales concernent principalement la liberté de culte, parce qu’à cet égard, elle est obstruée dans trop d’endroits dans le monde, et on ne peut pas limiter cela à une combinaison de liberté d’expression et de liberté d’association. Il s’agit aussi du culte public, du droit de suivre sa conscience au nom de croyances religieuses et du droit d’avoir une revendication de vérité.

Je vois les organes représentatifs comme des défenseurs compétents (et cette compétence pourrait toujours être meilleure) et du culte en tant que tel et des communautés religieuses individuelles, qui sont souvent trop insuffisamment compétentes et démontrent aussi parfois un peu plus d’enthousiasme qu’une évaluation correcte. Les autorités civiles sont, d’autre part, parfois bienveillantes, parfois négatives, et parfois surcompensant, mais en tout cas souvent ignorantes et donc souvent maladroites. Outre la liberté de religion (art. 19 de la Constitution), il y a aussi la liberté d’organisation des cultes (art. 21 de la Constitution), mais dès qu’il n’y a pas de séparation complète de l’Église et de l’État (qui n’existe dans quasi aucun pays), les autorités civiles doivent savoir qui elles ont en face d’elles dans le domaine religieux.

Le CACPE en tant qu’organe représentatif

Le CACPE est un partenariat qui, avec de bons statuts, veut représenter et défendre les dénominations sous la coupole et le culte protestant et évangélique en général dans la question complexe de la relation entre l’Église et l’État. Les églises individuelles et les dénominations ne peuvent réussir que si elles appartiennent par hasard à un créneau socio-économique dans lequel toutes les compétences sont présentes ; alors c’est peut-être une question de solidarité pour s’adresser à un plus grand ensemble. Il s’agit d’un service aux autorités civiles et à la société, mais certainement aussi à la communauté protestante et évangélique dans son ensemble. Non seulement pour le bénéfice des églises avec une reconnaissance régionale, mais pour le bénéfice de toutes les églises qui appartiennent au culte reconnu.

Points de critique sur le projet de décret

Dans sa critique du projet de décret, le Professeur Overbeeke mentionne un certain nombre de points avec lesquels je suis entièrement d’accord.

a       L’idée que « celui qui paie décide aussi » intervient constamment (Overbeeke 2020: §4). Deux problèmes doivent être mentionnés ici. Tout d’abord, d’une certaine manière, cela va à l’encontre de la liberté religieuse : après tout, comment peut-elle être concrétisée s’il n’y a pas aussi des autorités civiles qui la soutiennent (cf. avis du Conseil d’État 68.161/1 §5, du 20 novembre 2020[4]) ? Les libertés fondamentales sont importantes, y compris la liberté de les invoquer pour des raisons religieuses ; il ne suffit pas qu’un décret se réfère à la Constitution et à la CEDH si rien d’autre ne se passe. Deuxièmement, dans la pratique, ce n’est pas le cas que la Région flamande paie beaucoup: pour les églises du Synode Fédéral, le principal soutien provient du salaire du pasteur, versé au niveau fédéral ; la ville ou la commune ne verse qu’une allocation de logement – malheureusement souvent inférieure aux normes – puisque aucun presbytère n’est habituellement mis à disposition (comme le prévoit en effet l’art. 52/1 §1er 3º du décret sur les cultes) ; en théorie, la ville ou la commune prend en charge l’apurement des déficits, mais une église active sans bâtiment monumental aura rarement des déficits. Certes, la Région flamande est l’autorité civile ayant la tutelle des villes et communes.

b       L’établissement de listes de toutes les personnes engagées financièrement par un culte est une question particulièrement dangereuse (Overbeeke 2020: §§12,15). La question de savoir si cela devrait passer ou non par l’organe représentatif est tout simplement une question allant déjà trop loin.

c       Il n’est en effet pas justifié que l’organe représentatif, sans raison, puisse entreprendre une expédition punitive (Overbeeke 2020: §18). Il est vrai que les différentes dénominations se sont unies au sein de l’organe représentatif afin d’atteindre un objectif précis, mais si rien de plus ne doit être démontré, cela pourrait conduire à un grand arbitraire, pas seulement de la part de l’organe représentatif.

Tâches complémentaires d’un organe représentatif

D’autre part, il y a des points où le Professeur Overbeeke se méfie particulièrement d’une « fonction de contrôle de l’organe représentatif, qui prendrait alors de plus en plus la fonction d’un évêque. »

Plus précisément, les tâches suivantes seraient confiées par les autorités civiles à l’organe représentatif ; c’est à mon avis certainement défendable.

a       Par exemple, il est logique que l’organe représentatif contrôle pour les autorités civiles si une communauté religieuse qui cherche à obtenir une reconnaissance régionale (et donc aussi, dans la pratique, une place de pasteur financée par le gouvernement fédéral) a effectivement une certaine taille (cf. Overbeeke 2020: §10). Le projet de décret commet des erreurs dans le domaine sensible des registres des croyants engagés, heureusement il ne le fait pas pour la liste complète des membres de la communauté religieuse. La confirmation par la communauté locale ou par une petite dénomination a moins de valeur que la confirmation par l’organe représentatif, qui est en contact avec la Région flamande avec une certaine fréquence. Ce faisant, l’organe représentatif devra se pencher sur l’appartenance religieuse des personnes, ce qui est en effet une matière sensible, mais qui par définition est inévitable pour un culte.

b       Il est également logique que le gouvernement souhaite que l’organe représentatif veille à ce que le ministre du culte déclaré soit quelqu’un qui peut effectivement agir en tant que tel (cf. Overbeeke 2020: §11). Là, l’organe représentatif sera plus à même d’évaluer le cas que le gouvernement, qui, selon moi, serait la seule alternative. Le terme correct qui devrait être utilisé à cette fin dans le décret peut être discuté de manière encore plus en détail : « confirmer de répondre aux critères du culte » au lieu de « approuver » ? Au sein du CACPE c’est déjà le cas qu’on fait confiance aux dénominations[5] et/ou (en fonction de la dénomination) de l’église, mais une enquête sera quand même faite s’il y a de mauvaises rumeurs, qui ne parviendront jamais aux oreilles des autorités civiles. Est-ce cela le contrôle ? Ou est-ce la protection de l’ensemble du culte (et donc de la société – après tout, le culte appartient à la société) ?

c       Il est également logique que l’organe représentatif fournit ici des services administratifs de soutien et d’assistance. Après tout, c’est à ce niveau-là que se trouve l’expérience et la possibilité d’accompagnement. Soit dit en passant, personne n’est obligé de s’inscrire à un poste pour lequel un extrait du casier judiciaire « modèle 2 » est demandé (cf. Overbeeke 2020: §12).

d       Il peut sembler étrange que l’organe représentatif d’un culte non hiérarchique constitue le premier Conseil d’administration (cf. Overbeeke 2020: §14). Il serait plus pratique que le propre Conseil d’administration organise les élections, mais bien sûr ce n’est pas possible. Que reste-t-il ? Le gouvernement lui-même ? Ou quand même un organe représentatif qui prend en compte les coutumes de la dénomination et de l’église ? Le CACPE n’est pas une dénomination qui agit pour toutes les autres dénominations (heureusement, ce temps est révolu).

e       Ma première réaction à l’article sur le registre des dons a été : que dois-je en faire en tant qu’organe représentatif (cf. Overbeeke 2020: §15) ? Puis j’ai réalisé : si le gouvernement travaille là-dessus, alors l’organe représentatif doit également être au courant : après tout, l’organe représentatif est (plus) capable de défendre les intérêts de l’église et du culte protestant et évangélique. Cela serait encore mieux si ce registre des dons serait complétement éliminé. Il s’agit d’une atteinte trop grande à la vie privée et il existe d’autres moyens de retracer les financements dangereux provenant de l’extérieur de l’Europe.

f        Enfin, quelques ajustements au cours de l’histoire d’une église (cf. Overbeeke 2020: §§16-17). Fusion, déménagement, changement de nom sont organisés dans le projet de décret de manière que chaque culte puisse superviser la question aussi bien que possible. Sans accompagnement, il y a trop de risques que l’affaire parte en vrille. La clarté formelle est importante, et un certain nombre d’églises ne savent pas vraiment ce qu’elles veulent réellement. Que l’organe représentatif d’un culte non hiérarchique soit une boîte aux lettres, mais une boîte aux lettres d’accompagnement malgré tout.

Le gouvernement flamand veut donc donner des tâches supplémentaires aux organes représentatifs et ils sont bien placés pour cela ; ils sont aussi plus proches des églises que les autorités civiles. Il est alors très particulier que le gouvernement flamand dispose de trois millions d’euros pour une instance de contrôle, mais ne fournit pas de fonds supplémentaires pour que les églises et l’organe représentatif puissent mieux faire leur travail. Le gouvernement a bien entendu conscience qu’on travaille avec des bénévoles au niveau local, mais cela s’arrête à cette prise de conscience ; il n’y a rien en retour, bien que l’organe représentatif serait parfaitement adapté pour donner plus de soutien au niveau régional et pourrait décharger des bénévoles de beaucoup de travail, au lieu de seulement vérifier par la suite si tout est dans la bonne boîte.

L’organe représentatif en tant que protecteur, et non en tant que contrôleur

Il est donc bien s’il y a un ἐπίσκοπος epískopos pour l’ensemble de la communauté protestante et évangélique, et non pas dans le sens d’un contrôleur collaborant, mais comme Hector avec Homère (Ω 729), qui a été loué comme un défenseur et protecteur de Troie (Mazon 1938: 166). Et nous savons tous comment Troie a fini une fois Hector parti. Bien que : Énée s’est échappé et ainsi l’histoire continua quand même…

Dr Geert W. Lorein
président du Synode Fédéral des Églises protestantes et évangéliques de Belgique,
coprésident du Conseil Administratif du Culte Protestant et Évangélique.

 

Bibliographie

J. Creemers, All Together in One Synod ? The Genesis of the Federal Synod of Protestant and Evangelical Churches in Belgium (1985-1998), in: Trajecta XXVI/2 (2017), pp. 275-302

Id., Protestanten verenigd voor of door de staat? Onderhandelingen over de afbakening van een erkende eredienst in België (1999-2002), in: Tijdschrift voor Religie, Recht en Beleid IX/2 (2018), pp. 5-18

P. Mazon, Homère. Iliade IV (CUF … Budé), Paris (Les Belles Lettres) 1938

A. Overbeeke, De l’‘épiscopalisation’ du droit des cultes en Flandre. Le statut des représentants des cultes reconnus dans l’avant-projet de décret flamand sur la reconnaissance et la surveillance des communautés cultuelles locales, in: Commentaires de la Chaire de droit de Religions de l’UCLouvain, 2020/6 (http://belgianlawreligion.unblog.fr/?p=1445)


[1] Toutefois, pas au nom du Synode Fédéral.

[2] « Voorontwerp van decreet tot regeling van de erkenning van en het toezicht op lokale geloofsgemeenschappen en tot wijziging van het decreet van 7 mei 2004 betreffende de materiële organisatie en werking van de erkende erediensten » ou en bref « Erkenningsdecreet ».

[3] Curé, pasteur, rabbin, imam.

[4] Comment le Conseil d’État a-t-il pu choisir une meilleure date pour rendre cet avis sur la liberté de l’enseignement…

[5] Souvent, les différentes branches principales du christianisme sont appelées « dénominations », mais au sein du culte protestant et évangélique, « dénomination » indique un groupe d’églises qui ont une histoire commune et qui partagent les mêmes accents théologiques, culturels et pratiques.

 

Pour citation : LOREIN, G., « Le régime des cultes en Flandres : enjeux et débats : L’episkopos en tant que contrôleur ou en tant que protecteur », Commentaires de la Chaire Droit & Religions (UCLouvain), n°2021/4, http://belgianlawreligion.unblog.fr



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