Le régime des cultes en Flandres : enjeux et débats

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L’episkopos en tant que contrôleur ou en tant que protecteur

En tant que président du Synode Fédéral[1] des Églises protestantes et évangéliques de Belgique (ci-après : Synode Fédéral), je voudrais faire la lumière sur la question du projet de décret de la Région flamande sur la reconnaissance des communautés religieuses (Décret de reconnaissance)[2], que le gouvernement flamand aimerait voir approuvé à court terme. Cette contribution peut être lue comme une réponse à De l’‘épiscopalisation’ du droit des cultes en Flandre du Professeur Overbeeke, mais peut aussi être lue indépendamment. Je ne parle donc pas en tant que juriste – je ne suis pas juriste – mais en tant qu’expert en expérience, tant dans le régime interne du culte protestant et évangélique que dans les relations de l’Église et de l’État (ou plus largement : entre les convictions et les autorités civiles) en Belgique. En tant que président du Synode Fédéral, je suis également coprésident du Conseil Administratif du Culte Protestant et Évangélique (CACPE) ; le président de l’Église Protestante Unie de Belgique est l’autre coprésident.

Histoire et raison d’être du Synode Fédéral

Le Synode Fédéral a été créé en tant qu’association de coopération volontaire de dénominations protestantes et évangéliques (voir Creemers 2017). Cela s’est passé le 3 janvier 1998 à Anderlecht, à un jet de pierre des bureaux actuels du CACPE et du Synode Fédéral. Certes, cette coopération était due aux pressions du temps, mais on ne peut pas dire pour autant qu’on ne savait pas ce qu’on faisait ou qu’on réunissait des dénominations qui sinon n’auraient jamais travaillé ensemble(cf. Overbeeke 2020: §9). Le Synode Fédéral contient l’étendue de l’Alliance évangélique, mais évidemment sans les églises qui sont dans l’autre branche du CACPE. En bref, le Synode Fédéral est un partenariat volontaire qui cherche à représenter et à défendre les intérêts des dénominations affiliées et du culte protestant et évangélique en général dans la matière complexe de la relation entre l’Église et l’état, et de manière plus générale entre l’Église et la société, là où des dénominations individuelles ne sont pas remarquées par la société. C’est ainsi que, par exemple, la définition de ‘Pasteur’ a également été établie au sein du Synode Fédéral par accord, qui a ensuite été approuvée par le Conseil central du CACPE. Étant donné que cette définition vise principalement le fonctionnement du pasteur, il y a assez de place pour les différentes dénominations pour y ajouter des exigences complémentaires. Le droit de la dénomination n’est donc pas réduit, mais bien harmonisé.

Histoire et raison d’être du CACPE

Le CACPE est actif en tant qu’organe représentatif reconnu (ci-après : organe représentatif) du culte protestant et évangélique depuis 2003 (voir Creemers 2018), constitué de deux ailes : l’Église Protestante Unie de Belgique et le Synode Fédéral. Il est dit du CACPE que ce serait un mariage forcé par le Ministre de la Justice, mais on perd de vue le fait que le CACPE unit des églises qui ont des confessions de foi semblables, qui parfois changent de dénominations et même d’aile au sein du CACPE et qui gèrent conjointement toutes sortes d’organisations pour l’annonce de l’Évangile et l’édification de l’Église. Le CACPE est entre-temps également assez large pour vraiment héberger tout ce qui peut être appelé “protestant et évangélique” et cherche une reconnaissance dans les relations avec les autorités civiles. Il ne faut pas nous reprocher de ne pas être ouverts à certains groupes qui, historiquement, sont issus du protestantisme, mais ont théologiquement formé leur propre groupe sectaire. Je me rends compte que c’est subjectif, mais la grande majorité d’un culte a aussi le droit de se définir, il me semble.

La situation belge

Toute cette construction ne peut être comprise que dans le contexte de la situation belge complexe, avec les relations typiques entre les autorités civiles et les convictions, une « séparation de l’Église et de l’État » très nuancée. Il y a un peu plus de 11 millions d’opinions en Belgique, six cultes reconnus (je ne parle pas ici d’humanisme libéral, qui est parfois mis sur le même pied d’égalité que les cultes et est parfois sur un meilleur pied d’égalité avec les autorités civiles) et quelques milliers de communautés religieuses locales, dont une grande partie reçoit un poste de ministre du culte[3]financé, mais également une grande partie ne l’a pas. C’est ainsi que fonctionne le système belge, avec ces postes financés ; que l’on n’oublie pas que dans d’autres pays, la fiscalité est souvent plus favorable au culte que le système des ministres du culte financés. Nous partons rarement, voire jamais, d’une feuille blanche, mais plutôt d’une situation qui, pour des raisons historiques et à cause des faiblesses humaines, est plus compliquée qu’elle ne semble théoriquement nécessaire.

Besoin d’un organe représentatif fort 

Nous rêvons tous de beaucoup de liberté et d’autorités civiles aimantes qui garantissent la sécurité pour réaliser tous nos souhaits. Malheureusement, la réalité est un peu plus récalcitrante. C’est pourquoi nous devons mettre en place des structures, insister sur les libertés fondamentales et négocier au sujet de ressources limitées. Les libertés fondamentales concernent principalement la liberté de culte, parce qu’à cet égard, elle est obstruée dans trop d’endroits dans le monde, et on ne peut pas limiter cela à une combinaison de liberté d’expression et de liberté d’association. Il s’agit aussi du culte public, du droit de suivre sa conscience au nom de croyances religieuses et du droit d’avoir une revendication de vérité.

Je vois les organes représentatifs comme des défenseurs compétents (et cette compétence pourrait toujours être meilleure) et du culte en tant que tel et des communautés religieuses individuelles, qui sont souvent trop insuffisamment compétentes et démontrent aussi parfois un peu plus d’enthousiasme qu’une évaluation correcte. Les autorités civiles sont, d’autre part, parfois bienveillantes, parfois négatives, et parfois surcompensant, mais en tout cas souvent ignorantes et donc souvent maladroites. Outre la liberté de religion (art. 19 de la Constitution), il y a aussi la liberté d’organisation des cultes (art. 21 de la Constitution), mais dès qu’il n’y a pas de séparation complète de l’Église et de l’État (qui n’existe dans quasi aucun pays), les autorités civiles doivent savoir qui elles ont en face d’elles dans le domaine religieux.

Le CACPE en tant qu’organe représentatif

Le CACPE est un partenariat qui, avec de bons statuts, veut représenter et défendre les dénominations sous la coupole et le culte protestant et évangélique en général dans la question complexe de la relation entre l’Église et l’État. Les églises individuelles et les dénominations ne peuvent réussir que si elles appartiennent par hasard à un créneau socio-économique dans lequel toutes les compétences sont présentes ; alors c’est peut-être une question de solidarité pour s’adresser à un plus grand ensemble. Il s’agit d’un service aux autorités civiles et à la société, mais certainement aussi à la communauté protestante et évangélique dans son ensemble. Non seulement pour le bénéfice des églises avec une reconnaissance régionale, mais pour le bénéfice de toutes les églises qui appartiennent au culte reconnu.

Points de critique sur le projet de décret

Dans sa critique du projet de décret, le Professeur Overbeeke mentionne un certain nombre de points avec lesquels je suis entièrement d’accord.

a       L’idée que « celui qui paie décide aussi » intervient constamment (Overbeeke 2020: §4). Deux problèmes doivent être mentionnés ici. Tout d’abord, d’une certaine manière, cela va à l’encontre de la liberté religieuse : après tout, comment peut-elle être concrétisée s’il n’y a pas aussi des autorités civiles qui la soutiennent (cf. avis du Conseil d’État 68.161/1 §5, du 20 novembre 2020[4]) ? Les libertés fondamentales sont importantes, y compris la liberté de les invoquer pour des raisons religieuses ; il ne suffit pas qu’un décret se réfère à la Constitution et à la CEDH si rien d’autre ne se passe. Deuxièmement, dans la pratique, ce n’est pas le cas que la Région flamande paie beaucoup: pour les églises du Synode Fédéral, le principal soutien provient du salaire du pasteur, versé au niveau fédéral ; la ville ou la commune ne verse qu’une allocation de logement – malheureusement souvent inférieure aux normes – puisque aucun presbytère n’est habituellement mis à disposition (comme le prévoit en effet l’art. 52/1 §1er 3º du décret sur les cultes) ; en théorie, la ville ou la commune prend en charge l’apurement des déficits, mais une église active sans bâtiment monumental aura rarement des déficits. Certes, la Région flamande est l’autorité civile ayant la tutelle des villes et communes.

b       L’établissement de listes de toutes les personnes engagées financièrement par un culte est une question particulièrement dangereuse (Overbeeke 2020: §§12,15). La question de savoir si cela devrait passer ou non par l’organe représentatif est tout simplement une question allant déjà trop loin.

c       Il n’est en effet pas justifié que l’organe représentatif, sans raison, puisse entreprendre une expédition punitive (Overbeeke 2020: §18). Il est vrai que les différentes dénominations se sont unies au sein de l’organe représentatif afin d’atteindre un objectif précis, mais si rien de plus ne doit être démontré, cela pourrait conduire à un grand arbitraire, pas seulement de la part de l’organe représentatif.

Tâches complémentaires d’un organe représentatif

D’autre part, il y a des points où le Professeur Overbeeke se méfie particulièrement d’une « fonction de contrôle de l’organe représentatif, qui prendrait alors de plus en plus la fonction d’un évêque. »

Plus précisément, les tâches suivantes seraient confiées par les autorités civiles à l’organe représentatif ; c’est à mon avis certainement défendable.

a       Par exemple, il est logique que l’organe représentatif contrôle pour les autorités civiles si une communauté religieuse qui cherche à obtenir une reconnaissance régionale (et donc aussi, dans la pratique, une place de pasteur financée par le gouvernement fédéral) a effectivement une certaine taille (cf. Overbeeke 2020: §10). Le projet de décret commet des erreurs dans le domaine sensible des registres des croyants engagés, heureusement il ne le fait pas pour la liste complète des membres de la communauté religieuse. La confirmation par la communauté locale ou par une petite dénomination a moins de valeur que la confirmation par l’organe représentatif, qui est en contact avec la Région flamande avec une certaine fréquence. Ce faisant, l’organe représentatif devra se pencher sur l’appartenance religieuse des personnes, ce qui est en effet une matière sensible, mais qui par définition est inévitable pour un culte.

b       Il est également logique que le gouvernement souhaite que l’organe représentatif veille à ce que le ministre du culte déclaré soit quelqu’un qui peut effectivement agir en tant que tel (cf. Overbeeke 2020: §11). Là, l’organe représentatif sera plus à même d’évaluer le cas que le gouvernement, qui, selon moi, serait la seule alternative. Le terme correct qui devrait être utilisé à cette fin dans le décret peut être discuté de manière encore plus en détail : « confirmer de répondre aux critères du culte » au lieu de « approuver » ? Au sein du CACPE c’est déjà le cas qu’on fait confiance aux dénominations[5] et/ou (en fonction de la dénomination) de l’église, mais une enquête sera quand même faite s’il y a de mauvaises rumeurs, qui ne parviendront jamais aux oreilles des autorités civiles. Est-ce cela le contrôle ? Ou est-ce la protection de l’ensemble du culte (et donc de la société – après tout, le culte appartient à la société) ?

c       Il est également logique que l’organe représentatif fournit ici des services administratifs de soutien et d’assistance. Après tout, c’est à ce niveau-là que se trouve l’expérience et la possibilité d’accompagnement. Soit dit en passant, personne n’est obligé de s’inscrire à un poste pour lequel un extrait du casier judiciaire « modèle 2 » est demandé (cf. Overbeeke 2020: §12).

d       Il peut sembler étrange que l’organe représentatif d’un culte non hiérarchique constitue le premier Conseil d’administration (cf. Overbeeke 2020: §14). Il serait plus pratique que le propre Conseil d’administration organise les élections, mais bien sûr ce n’est pas possible. Que reste-t-il ? Le gouvernement lui-même ? Ou quand même un organe représentatif qui prend en compte les coutumes de la dénomination et de l’église ? Le CACPE n’est pas une dénomination qui agit pour toutes les autres dénominations (heureusement, ce temps est révolu).

e       Ma première réaction à l’article sur le registre des dons a été : que dois-je en faire en tant qu’organe représentatif (cf. Overbeeke 2020: §15) ? Puis j’ai réalisé : si le gouvernement travaille là-dessus, alors l’organe représentatif doit également être au courant : après tout, l’organe représentatif est (plus) capable de défendre les intérêts de l’église et du culte protestant et évangélique. Cela serait encore mieux si ce registre des dons serait complétement éliminé. Il s’agit d’une atteinte trop grande à la vie privée et il existe d’autres moyens de retracer les financements dangereux provenant de l’extérieur de l’Europe.

f        Enfin, quelques ajustements au cours de l’histoire d’une église (cf. Overbeeke 2020: §§16-17). Fusion, déménagement, changement de nom sont organisés dans le projet de décret de manière que chaque culte puisse superviser la question aussi bien que possible. Sans accompagnement, il y a trop de risques que l’affaire parte en vrille. La clarté formelle est importante, et un certain nombre d’églises ne savent pas vraiment ce qu’elles veulent réellement. Que l’organe représentatif d’un culte non hiérarchique soit une boîte aux lettres, mais une boîte aux lettres d’accompagnement malgré tout.

Le gouvernement flamand veut donc donner des tâches supplémentaires aux organes représentatifs et ils sont bien placés pour cela ; ils sont aussi plus proches des églises que les autorités civiles. Il est alors très particulier que le gouvernement flamand dispose de trois millions d’euros pour une instance de contrôle, mais ne fournit pas de fonds supplémentaires pour que les églises et l’organe représentatif puissent mieux faire leur travail. Le gouvernement a bien entendu conscience qu’on travaille avec des bénévoles au niveau local, mais cela s’arrête à cette prise de conscience ; il n’y a rien en retour, bien que l’organe représentatif serait parfaitement adapté pour donner plus de soutien au niveau régional et pourrait décharger des bénévoles de beaucoup de travail, au lieu de seulement vérifier par la suite si tout est dans la bonne boîte.

L’organe représentatif en tant que protecteur, et non en tant que contrôleur

Il est donc bien s’il y a un ἐπίσκοπος epískopos pour l’ensemble de la communauté protestante et évangélique, et non pas dans le sens d’un contrôleur collaborant, mais comme Hector avec Homère (Ω 729), qui a été loué comme un défenseur et protecteur de Troie (Mazon 1938: 166). Et nous savons tous comment Troie a fini une fois Hector parti. Bien que : Énée s’est échappé et ainsi l’histoire continua quand même…

Dr Geert W. Lorein
président du Synode Fédéral des Églises protestantes et évangéliques de Belgique,
coprésident du Conseil Administratif du Culte Protestant et Évangélique.

 

Bibliographie

J. Creemers, All Together in One Synod ? The Genesis of the Federal Synod of Protestant and Evangelical Churches in Belgium (1985-1998), in: Trajecta XXVI/2 (2017), pp. 275-302

Id., Protestanten verenigd voor of door de staat? Onderhandelingen over de afbakening van een erkende eredienst in België (1999-2002), in: Tijdschrift voor Religie, Recht en Beleid IX/2 (2018), pp. 5-18

P. Mazon, Homère. Iliade IV (CUF … Budé), Paris (Les Belles Lettres) 1938

A. Overbeeke, De l’‘épiscopalisation’ du droit des cultes en Flandre. Le statut des représentants des cultes reconnus dans l’avant-projet de décret flamand sur la reconnaissance et la surveillance des communautés cultuelles locales, in: Commentaires de la Chaire de droit de Religions de l’UCLouvain, 2020/6 (http://belgianlawreligion.unblog.fr/?p=1445)


[1] Toutefois, pas au nom du Synode Fédéral.

[2] « Voorontwerp van decreet tot regeling van de erkenning van en het toezicht op lokale geloofsgemeenschappen en tot wijziging van het decreet van 7 mei 2004 betreffende de materiële organisatie en werking van de erkende erediensten » ou en bref « Erkenningsdecreet ».

[3] Curé, pasteur, rabbin, imam.

[4] Comment le Conseil d’État a-t-il pu choisir une meilleure date pour rendre cet avis sur la liberté de l’enseignement…

[5] Souvent, les différentes branches principales du christianisme sont appelées « dénominations », mais au sein du culte protestant et évangélique, « dénomination » indique un groupe d’églises qui ont une histoire commune et qui partagent les mêmes accents théologiques, culturels et pratiques.

 

Pour citation : LOREIN, G., « Le régime des cultes en Flandres : enjeux et débats : L’episkopos en tant que contrôleur ou en tant que protecteur », Commentaires de la Chaire Droit & Religions (UCLouvain), n°2021/4, http://belgianlawreligion.unblog.fr



Cour d’assises et religion

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Religieux et juré d’assises : des changements en 2021

La circulaire du 8 janvier 2021 relative à la liste des jurés des cours d’assises (M.B. 13 janvier 2021) modifie la définition des ministres des cultes exemptés de l’inscription à cette liste. Jusqu’à la circulaire précédente, publiée en 2017, la définition du ministre du culte était à la fois large et défini en fonction des qualifications internes à chaque culte, en ce compris des qualifications religieuses tombées en désuétude, voire discutables au gré de débats internes à chaque doctrine religieuse. On lisait encore dans la circulaire du 10 janvier 2017 :

« Par les termes « culte reconnu par l’Etat », il convient d’entendre les cultes dont la reconnaissance résulte, même implicitement, de la loi. Sont reconnus les cultes catholique, protestant, israélite, anglican, islamique et orthodoxe.
Par les termes « ministres » de l’un de ces cultes, il convient d’entendre au sens général, toute personne qui, en vertu d’une ordination, est habilitée à prendre une part active aux cérémonies et rites d’un culte. En ce qui concerne plus particulièrement les ministres du culte catholique, il y a lieu de considérer comme tels les personnes qui ont reçu les ordres majeurs (prêtres, diacres, sous-diacres) qu’elles appartiennent au clergé régulier ou séculier; pour le culte protestant, les licenciés en théologie protestante ayant reçu la consécration pastorale; pour le culte israélite, les rabbins; pour le culte anglican, les personnes qui ont reçu les ordres majeurs, à savoir les prêtres et les diacres (deacons); il y a lieu d’assimiler à ces ministres du culte les imams des mosquées reconnues.
Par les termes « organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle », il convient d’entendre, dans le même sens que pour l’application de l’article 181 de la Constitution, le Conseil central laïque, reconnu par la loi du 21 juin 2002 relative au Conseil central des Communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique (Moniteur belge 22 octobre 2002) et l’asbl Union bouddhique belge, reconnue par l’article 139 de la loi du 24 juillet 2008 portant des dispositions diverses (I) (Moniteur belge 7 août 2008) ».

La circulaire de 2021 abandonne toute référence à des définitions propres à chaque culte. Se faisant, la circulaire échappe certainement au reproche de désuétude de certains concepts religieux qu’elle répétait depuis des temps lointains sans adaptation à l’évolution des pratiques. Mais en se soustrayant à toutes qualifications religieuses internes, désuètes ou non, la circulaire ne se libère pas seulement des auto-qualifications cultuelles, et de l’incertitude interne qu’elles peuvent le cas échéant comporter. La circulaire abandonne plus largement toute référence à l’étendue spirituelle (ou philosophique) des fonctions visées. Elle modifie ainsi fondamentalement la ratio legis apparente de la mesure d’exemption. Elle renoue ainsi d’une certaine façon avec les conceptions qui avaient fondé ces exemptions dès le XIXe siècle.

En effet, la circulaire de 2021 limite désormais l’exemption de la liste des jurés par une nouvelle définition des ministres des cultes liée à leur rémunération publique  :

« Par les termes « culte reconnu par l’Etat », il convient d’entendre les cultes dont la reconnaissance fait suite à l’adoption d’une loi. Sont reconnus les cultes catholique, protestant, israélite, anglican, islamique et orthodoxe.
Par les termes « organisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle », il convient d’entendre, dans le même sens que pour l’application de l’article 181, § 2, de la Constitution, le Conseil central laïque, reconnu par la loi du 21 juin 2002 relative au Conseil central des Communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique (Moniteur belge 22 octobre 2002).
Par le terme « ministre » d’un de ces cultes reconnus et le terme « délégué » d’une organisation reconnue par la loi qui offre une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle, sont visées les personnes énumérées à cet effet dans la loi du 2 août 1974 relative aux traitements des titulaires de certaines fonctions publiques, des ministres des cultes reconnus et des délégués du Conseil central laïque ».

Il résulte de ces nouvelles définitions que les ministres visés ne sont plus l’ensemble des « personnels religieux » défini par une dénomination reconnue, mais seulement ceux qui, relevant de postes reconnus, reçoivent un traitement public fixé selon la loi de 1974 sur les traitements ecclésiastiques. Ainsi, pour le culte catholique par exemple, ce n’est plus la catégorie sacramentelle de l’ « ordination » qui est pertinente selon la Circulaire, mais la catégorie comptable du bénéfice d’un salaire public selon la loi de 1974.

L’exemption n’est plus apparemment liée à la nature des fonctions des ministres des cultes, qui pourrait notamment être l’accompagnement spirituel ou la compassion spécifique à de telles vocations, nature qui perturberait leur mission de jurés d’assises, mais seulement au fait de leur appartenance à un cadre administratif lié au financement des cultes. Telle était, au XIX siècle, la raison posée, du moins explicitement, à leur exemption : permettre aux ministres des cultes soutenus par des fonds publics de se consacrer pleinement à la mission d’assistance qui justifie leur traitement, et de ne pas en être distrait par d’autres tâches.

La définition portée par la Circulaire du 8 janvier 2021 renvoie clairement à cette approche matérielle, dès lors qu’elle écarte un grand nombre de personnels religieux de l’exemption en vigueur jusqu’ici, pour ne retenir que les ministres rémunérés sur la base de la loi de 1974. Certes leur identification en est facilitée d’autant, mais avec des effets qui pourront parfois surprendre. Ainsi, on observera que les ministres bouddhistes, exemptés par les dernières circulaires, ne le sont désormais plus, du moins tant que la reconnaissance du bouddhisme n’aura pas été finalisée légalement et le cadre des ministres bouddhiques déterminé. De même, à l’avenir seuls les imams de communautés islamiques locales reconnues, rémunérés par le SPF Justice , seront retirés des listes des jurés au titre de « personnes énumérées » par la loi de 1974.

La question religieuse rejoint ainsi, à sa façon, les débats qui interrogent certains implicites de la légitimation des cours d’assises, c’est-à-dire essentiellement les raisons de l’implication démocratique potentielle de la plupart des citoyens comme jurés. De la plupart, mais pas de tous…

Louis-Léon Christians



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