Religions et philosophies dans un futur code pénal belge (IV) Atténuation et/ou aggravation

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Abus de faiblesse – discrimination – conversion – délits culturels : la religion comme aggravation pénale

Pour conclure une analyse du fait religieux dans le projet de livre II du code pénal déposé en juillet 2023, et avant les conclusions du travail parlementaire prévue le 25 janvier 2024, on voudrait souligner combien le facteur religieux est  pris en compte comme aggravation dans diverses dispositions du projet de Nouveau Code pénal.

L’abus de la situation de faiblesse de personnes

Parmi les recommandations de la Commission parlementaire relatives aux sectes, en 1996-97, seule dans un premier temps a été mise en œuvre, par la loi du 2 juin 1998, la création d’une agence indépendante, le Centre d’informations et d’avis sur les organisations sectaires nuisible (CIAOSN) et celle d’une Cellule administrative de coordination. En revanche, la création d’une infraction pénale spécifique n’a été actée qu’en 2011, dix ans après l’initiative en ce sens de la Loi française About-Picard. Après des débats parlementaires entièrement construits autour du thème de la manipulation psychologique et des dérives sectaires, c’est un texte dépouillé de référence explicite qui a été adopté et inséré comme art. 442 quater du Code pénal. La mise en sujétion psychologique n’y est plus qu’une circonstance aggravante d’une infraction d’abus de vulnérabilité, et seule une référence à une éventuelle dimension associative de cette mise en sujétion vient rappeler une préoccupation sectaire.

L’art. 308 du projet de Code pénal intègre aujourd’hui la mise en sujétion psychologique sous la qualification d’abus aggravé de la situation de faiblesse de personnes. « L’abus de la situation de faiblesse de personnes est puni d’une peine de niveau 3: 1° si l’acte ou l’abstention résulte d’une mise en état de sujétion physique ou psychologique par l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer la capacité de discernement; 2° si la victime est un mineur ou une personne en situation de vulnérabilité; 3° si l’infraction entraîne une atteinte à l’intégrité du troisième degré; 4° si l’infraction constitue un acte de participation à l’activité principale ou accessoire d’une association ». Il s’agit là des mêmes hypothèses que celles prévues sous l’art. 442 quater.

Les débats complexes et les équilibres prudents issus des débats sur les dérives sectaires avaient par ailleurs conduit à introduire une précaution dans la définition pénale des organisations criminelles : sous l’art. 324 bis al. 2 le Code pénal actuel indique encore qu’ « une organisation dont l’objet réel est exclusivement d’ordre politique, syndical, philanthropique, philosophique ou religieux ou qui poursuit exclusivement tout autre but légitime ne peut, en tant que telle, être considérée comme une organisation criminelle au sens de l’alinéa 1er. ». Cette formule prudente, liée à l’âpreté des débats de l’époque n’est plus reprise par le projet de nouveau code. En son temps, précise l’Exposé des motifs, « le Conseil d’État avait déjà considéré que cette précision pour les organisations criminelles était soit inutile, soit vidait le projet de loi de sa substance. Il est donc évidemment aussi inutile de prévoir ce régime de protection pour l’association de malfaiteurs. » On notera en revanche que l’art. 375 du projet de Code, relatif au terrorisme continue de préciser qu’ « une organisation dont l’objet réel est exclusivement d’ordre politique, syndical, philanthropique, philosophique ou religieux ou qui poursuit exclusivement tout autre but légitime ne peut, en tant que telle, être considérée comme un groupe terroriste au sens de l’alinéa 1er ».

Trois dernières observations méritent à ce stade d’être encore formulées à propos du statut pénal des religions et philosophies : la nouvelle protection pénale de certaines formes de discrimination religieuse, les références religieuses relatives à l’infraction de « pratique de conversion » en matière d’orientation sexuelle et enfin la singularisation d’un facteur aggravant pour certaines infractions « perpétrées au nom de la culture, de la coutume, de la religion, de la tradition ou du prétendu “honneur” ».

Anti-discrimination et protection renforcée de certains critères religieux

Les législations anti-discrimination ne sont pas garanties par des dispositifs pénaux dans tous leurs aspects, et quand bien même des sanctions sont prévues, elles ne visent pas nécessairement tous les critères protégés. L’exposé des motifs du projet de Code nouveau entend suivre la recommandation d’Unia d’étendre les dispositifs pénaux à la protection de l’ensemble des critères protégés, et notamment de l’appartenance religieuse. C’est chose faite dans le projet de nouveau code pénal aux art. 250, 251, 253, 254, 255 (discrimination commise dans l’accès aux biens et aux services), 256 (discrimination commise dans le domaine des relations de travail).  En particulier, l’infraction qui consiste à adhérer à un groupe ou association raciste (art. 253) serait étendue à l’adhésion à tout groupe prônant une ségrégation selon l’un des critères protégés, notamment la religion.

En revanche, l’infraction de diffusion d’idées raciales, prévue à l’art. 252 du projet, demeure uniquement circonscrite à ce critère racial et n’est pas étendue. L’Exposé des motifs explique que « Si pour les victimes, il n’est pas toujours aisé de comprendre pourquoi la loi incrimine la diffusion d’idées racistes et non celle d’idées homophobes ou islamophobes, il est proposé de ne pas élargir cette incrimination aux autres formes de discrimination. L’incrimination de la diffusion d’idées véhiculant toute autre forme de discrimination risque d’être fort large et trop floue, de nature à hypothéquer la bonne fin des poursuites mais aussi dans certains cas à porter une atteinte non justifiée à la liberté d’expression. »

Thérapies de conversion

Les dispositions relatives aux pratiques de conversion d’orientation sexuelle ont été déjà adoptées comme loi en juillet 2023, sans attendre les débats généraux sur le projet de Code pénal. A lire l’exposé des motifs du projet, les pratiques visées semblent essentiellement religieuses. Mais ce qui frappe davantage encore sont les références faites à des interventions purement rituelles. Sont ainsi mentionnés, « Le chef religieux qui pratique des “exorcismes” traumatisants sur une lesbienne mineure, sans commettre d’infractions de droit commun telles que des coups et blessures » (…) la maltraitance verbale d’une victime par une communauté religieuse lors d’un “exorcisme”, la menace de lui retirer certains droits et libertés (par exemple, choix des vêtements, loisirs, nourriture, etc.) si la victime ne change pas ou ne réprime pas son orientation sexuelle, son identité de genre ou son expression de genre (…). On lit plus généralement que l’intégrité physique des “patients” est mise en danger, car ces thérapies ou traitements de conversion sont souvent effectués par des personnes extérieures au monde médical, et généralement motivés par des raisons religieuses ou “éthiques” ».

Au regard de ces développements, comment seront évaluées de (simples) « prières de guérison ». Quand seront-elles considérées comme pression psychique, « c’est-à-dire tout acte (circonstance, propos, mise en scène, etc.) visant à influencer la victime pour qu’elle “change”, réprime ou dissimule son orientation sexuelle, son identité de genre ou son expression de genre »[1]. L’exposé des motifs précise que « des personnes peuvent aussi toujours chercher de l’aide (…) dans le cercle familial ou au sein de la communauté religieuse. Il n’est donc pas interdit, dans le cadre du présent projet de loi, de parler de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre et des difficultés éventuelles à l’accepter ou à la développer dans ces contextes. Au contraire, de nombreuses personnes trouveront justement un soutien important dans les cercles familiaux ou religieux. Ce qui est interdit, en revanche, c’est que ces tiers exercent une pression psychique sur la personne pour qu’elle modifie ou réprime son identité, ou qu’ils ou elles l’incitent à se soumettre à des pratiques de conversion ».

Le mobile religieux : de l’abandon de l’exception culturelle à l’aggravation culturelle

Enfin, on voudrait revenir sur l’apparition dans le projet de Code pénal d’un facteur aggravant lié à certaines infractions « perpétrées au nom de la culture, de la coutume, de la religion, de la tradition ou du prétendu “honneur” ». On trouve la source de cette formule dans la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Istanbul, 11.V.2011) notamment en son art. 12.5 : « Les Parties veillent à ce que la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu « honneur » ne soient pas considérés comme justifiant des actes de violence couverts par le champ d’application de la présente Convention ».

Le rejet européen de la figure de l’« excuse culturelle » se transforme en droit belge en une aggravation culturelle qui inverse paradoxalement le sens de la formule européenne. Hors contexte, cette formule, déjà présente dans des lois belges antérieures consacrées à la répression des mutilations génitales féminines, semblerait se borner à dédouaner tout abus commis au sein de « notre » culture occidentale, pour alourdir en revanche les délits commis par des étrangers ? Un tel présupposé serait peu conforme au principe de non-discrimination ethno-raciale. Une autre explication apparemment plus convaincante semble résider dans la volonté de contrer la concurrence normative de systèmes juridiques non étatiques, mais dotés d’une légitimation communautaire particulièrement forte. Bref, il s’agirait de rappeler la primauté de la loi civile. Pourquoi toutefois se cantonner à une telle énumération limitative ? Pourquoi se borner à la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu “honneur” ? Pourquoi d’autres idéologies ne seraient-elles pas elles-aussi susceptibles de vouloir primer indûment la loi civile lorsqu’il y va du statut de la femme et dès lors de justifier une aggravation de l’infraction ? La Convention d’Istanbul elle-même poursuit cet objectif plus large.

Ainsi, lit-on à l’art. 12.1 de la Convention que « les Parties prennent les mesures nécessaires pour promouvoir les changements dans les modes de comportement socioculturels des femmes et des hommes en vue d’éradiquer les préjugés, les coutumes, les traditions et toute autre pratique fondés sur l’idée de l’infériorité des femmes ou sur un rôle stéréotypé des femmes et des hommes ».

*

Le simple aperçu des questions que l’on a évoqué ici à propos du traitement pénal du fait religieux montre l’ampleur des incertitudes qui demeurent et la qualité défaillante de plusieurs dispositions du projet, ce qu’a notamment souligné l’Institut fédéral pour les droits humains. Or, à lire le Rapport de la Commission de la Justice du 10 janvier 2024 (55K3518006), les Parlementaires n’auront guère de temps à consacrer à la réforme de ce Livre II du Code pénal. C’est dire le risque qui va être pris et la probabilité de contestations a posteriori d’un des instruments que le Parlement aurait dû le mieux contrôler et le plus attentivement discuter : celui de la répression pénale.

Louis-Leon Christians
Professeur ordinaire à l’UCLouvain


[1] Selon la formule finalement adoptée à l’art. 442 quinquies du Code pénal : « toute pratique consistant en une intervention physique ou l’exercice d’une pression psychique, dont l’auteur croit ou prétend qu’elle vise à réprimer ou à modifier l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression de genre d’une personne »



Religions et philosophies dans un futur code pénal belge (III) L’atteinte méchante à une loi

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L’abrogation de l’art. 268 du Code pénal
visant spécifiquement les ministres des cultes

Ces dernières années, l’art. 268 du Code pénal a été plus souvent évoqué entre polémistes de presse que mis en œuvre judiciairement. Les conditions de l’infraction sont en effet strictes et visent : « les ministres d’un culte qui, dans l’exercice de leur ministère, par des discours prononcés en assemblée publique, auront directement attaqué le gouvernement, une loi, un arrêté royal ou tout autre acte de l’autorité publique ». Selon une doctrine demeurée peu abondante, l’attaque directe ne vise pas n’importe quelle critique mais une véritable incitation à la rébellion contre une loi ou une autorité publique, une « provocation directe à la désobéissance aux lois » selon la formule du Code pénal de 1810.

Cette infraction qui visait spécifiquement le clergé (reconnu ou non), n’a pas été formellement maintenue dans le projet de code pénal actuellement déposé, quitte même à l’étendre aux délégués des organisations philosophiques non confessionnelles. Elle ne disparaît pas pour autant. L’exposé des motifs indique explicitement que cette infraction se trouverait désormais absorbée par une nouvelle disposition plus générale prohibant toute « atteinte méchante à l’autorité de l’Etat », quel qu’en soit l’auteur. Allait-on disposer désormais d’un texte clair et lever les incertitudes d’une disposition aussi sensible que l’art. 268 ? Rien n’est moins sûr.

On lit dans l’exposé des motifs que « l’actuel article 268 du Code pénal contient une incrimination séparée pour les ministres d’un culte (…). Cette incrimination n’est pas reprise ici étant donné qu’elle constitue une violation trop importante de la liberté de culte et de la liberté d’expression. De plus, le comportement punissable (comme le fait de prêcher que les lois belges ne sont pas contraignantes lorsqu’elles vont à l’encontre du dogme ou que le gouvernement n’a aucune autorité sur les croyants) est suffisamment sanctionné par la disposition en projet relative à l’atteinte méchante à l’autorité de l’État. » Ces explications divergentes pourraient faire craindre pour la bonne tenue d’une disposition pénale : violation trop importante d’une part, ou présomption que toute prédication de la loi divine constituerait une atteinte nécessairement méchante ?

L’extension de l’article 268 du Code pénal
à toute atteinte méchante en public contre la loi

De façon plus générale, le projet d’art. 546 nouveau introduit et réaménage dans le Code pénal l’art. 2 du décret du 20 juillet 1831 [1]: « l’atteinte méchante à l’autorité de l’État consiste à, dans une intention méchante et en public: 1° porter atteinte à la force obligatoire de la loi ou des droits ou à l’autorité des institutions constitutionnelles; 2° provoquer directement à la désobéissance à une loi causant une menace pour la sécurité nationale, la défense de l’ordre ou la prévention des infractions, la santé publique, la moralité, la bonne réputation ou les droits d’autrui pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire, se trouvent menacés » (sic). L’interprétation de cette disposition, pour ancienne que soit son origine, est toujours demeurée aussi fondamentale que délicate.

Quant au dol spécial de méchanceté, on lit dans l’exposé des motifs que « L’auteur doit donc avoir eu la volonté d’amener ses auditeurs ou lecteurs à méconnaître la force obligatoire des lois ou l’autorité des institutions constitutionnelles ou à ne pas respecter la législation qui touche à l’ordre public. Le fait de critiquer les institutions constitutionnelles, la politique gouvernementale ou une loi, aussi sévèrement que ce soit, ne relève donc pas de cette incrimination, pas plus que le fait de tenir des propos qui ont pour but de dénoncer des pratiques abusives… (Il en va de même bien entendu pour la critique qui consiste à devoir écarter l’application de la loi compte tenu de la priorité du droit européen ou international d’application directe. En effet, cette critique demande précisément le respect de la force obligatoire de la norme juridique supérieure) »[2].

Quant à la portée du dédoublement alternatif de cette infraction, elle fut déjà discutée, voire disputée, au XIXe siècle[3]. Il conviendrait d’entendre que la négation méchante de l’obligatoriété théorique de toute législation en général serait une infraction en soi, distincte de celle de l’appel méchant à désobéir à une loi précise, loi qui devrait alors relever des catégories visées par le texte nouveau, à la suggestion du Conseil d’Etat[4], faute de quoi l’appel à la désobéissance, même méchant, envers cette loi précise, mais non les autres, ne serait pas punissable.

On se bornera ici à noter que l’identité ou la nature de l’auteur n’est pas (ou plus) spécifiée par l’art. 546 du Code en projet. Ce n’est donc plus la figure d’autorité spécifique des prédications des ministres du culte qui retient l’attention du législateur. On pourrait ne pas s’en étonner face à une sécularisation dont sont bien connus les effets de délégitimation de toute autorité instituée. En revanche, il s’agirait pour la nouvelle disposition pénale de prendre la mesure de la diffusion généralisée des discours d’influence ? L’autorité de toute parole s’y diffracte à travers les réseaux sociaux bien davantage que dans des lieux de culte ou les maisons de la Laïcité. Ces nouveaux contextes influenceront-ils les modalités de preuve d’une intention méchante ? La présomption de performativité des prédications religieuses, portée aujourd’hui par l’article 268, se maintiendrait-elle dans l’appréciation d’un futur art. 546 par les cours et tribunaux ?

Ces vastes débats dépassent le cadre de la présente note. Ils ont pour toile de fond une mise en cause de formes non violentes de liberté d’expression, distinctes d’infractions déjà établies visant la répression de l’incitation à la haine ou à la discrimination, ou encore de l’apologie du terrorisme. En raison des risques encourus au regard des garanties de liberté d’expression, et en particulier en matière d’appel à désobéissance civile, l’Institut Fédéral pour la protection et la promotion des Droits Humains recommande, en son avis n° 12/2023 du 5 octobre 2023, l’abandon de ce texte et l’abrogation du décret du 20 juillet 1831 et de l’art. 268 actuel du Code pénal.

Louis-Leon Christians
Professeur ordinaire à l’UCLouvain
Chaire Droit & Religions


[1] Voy. par exemple M. Simons, (Proc. Gén.), Des attaques dirigées contre la force obligatoire des lois et des provocations à y désobéir, 1871, Bruxelles, 1871, Typ. Weissenbruch, 70 p., à propos de l’art. 2 du Décret du 20 juillet 1831 : « Atteindre la loi dans son principe, c’est atteindre l’autorité elle-même d’où elle émane; de semblables excitations sont le point initial de la sédition qu’elles préparent dans les esprits, en attendant que d’autres la préparent par des actes. Bien différent et, selon nous, bien moins à redouter est le provocateur qui, sans méconnaître la force obligatoire de la loi et la nécessité de s’y soumettre, s’efforce de corrompre le coeur de celui à qui il s’adresse, et sans lui ôter la pensée qu’il va commettre un crime, l’incite cependant à s’y livrer. » Et de citer un débat précédent de peu l’indépendance, sur un texte hollandais similaire : « Attaquer la force obligatoire des lois, (ainsi « s’exprima M. Doncker Curtius), le faire méchamment, c’est à dire, dans des intentions malveillantes et avec le but pervers de nuire… le faire publiquement et uniquement pour provoquer à la désobéissance… C’est un délit punissable en tant que cette action n’a, dès lors, d’autre but que de s’opposer à ce qui doit être sacré dans l’intérêt de tous, à causer du trouble et à ébranler les bases de tout édifice social… » (Séance du 17 mai 1830. Gazette des Pays-Bas, supplément) » La même pensée fut exprimée par M. De Moor lorsqu’il disait que cette disposition  « a laissé à chacun la libre discussion ou critique des actes des autorités publiques, donc aussi la critique des lois. Le respect dû à ces actes exige bien qu’on leur obéisse, mais n’interdit pas d’en discuter les avantages et les inconvénients… Mais l’écrivain a-t-il, avec l’intention criminelle, attaqué la force obligatoire des lois, excité ou provoqué à la désobéissance aux lois; la violence, a-t-elle pris la place de la raison, c’est alors que le délit commence ». Certains en tout cas estimaient à l’époque hollandaise que devraient être sanctionnés ceux qui, par exemple, estiment publiquement que « Ces lois (celles sur le mariage civil), sont contraires aux canons de l’Église, préjudiciables à la religion et aux moeurs, d’où il faut bien conclure qu’elles heurtent les garanties de la loi fondamentale (Catholique). Obéir et pourquoi ? parce qu’il vous a plu de revêtir une de vos lubies de formes officielles (Courrier des Pays-Bas)…( Séance du 21 mai 1830, Gazette des Pays-Bas, supplément. (cité par M. Simons, loc. cit. p. 27). D’autres exemples étaient encore donnés par le Procureur général : « Personne n’ignore que, depuis peu d’années, le droit de propriété individuelle est battu en brèche par une secte qui, sous le nom d’Association internationale des travailleurs, va grandissant avec audace et poursuivant son oeuvre sous le drapeau de la collectivité sociale, tend à envelopper dans un vaste et puissant réseau l’un et l’autre hémisphère. (…) A cet effet, nos lois nous fournissent dès à présent une arme efficace: elles garantissent le droit de propriété individuelle et érigent même cette garantie en principe constitutionnel. Soutenir que ces lois sont iniques, qu’il est de droit et de nécessité de confisquer le sol au profit de la collectivité, c’est diriger des attaques coupables contre la force obligatoire de la loi, c’est commettre le délit prévu par l’article 2 du décret sur la presse » (p. 40).

[2] DOC 55 3518/001, p. 532.

[3] De tels débats qui avaient déjà animé les Parlementaires dès 1829… Voy. sur le dédoublement de l’infraction, M. Simons, loc. cit., p. 28.

[4] Le Conseil d’État observait que la définition initiale des “lois qui touchent l’ordre public” n’est pas suffisamment prévisible (n° 114.1) et proposait de remplacer cette notion par celle de ‘loi en relation avec la menace d’une des valeurs à protéger mentionnées à l’article 10, alinéa 2, CEDH (n° 114.2)’ (DOC 55 3518/001, p. 531).



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