violence ou blasphème : enjeux lexicaux

« La liberté d’expression emporte un droit au blasphème » : tel serait l’enseignement à tirer d’un jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles du 26 février 2008 (Journal de tribunaux, 2008, 351). A lire le jugement, on découvre les faits suivants : en regardant chez lui une émission de Controverses (RTL-TVi), un footballeur assez connu « s’est senti insulté » par les propos tenus à l’égard de sa religion par un expert anti-terroriste participant au débat. Le footballeur décide d’aller au studio pour y rencontrer l’animateur et y croise l’auteur des propos qui l’avaient offensé. Il le roue alors de coups, qui entraîneront une incapacité de travail.

Le jugement ne reproduit pas les propos à l’origine de l’affaire. Le lecteur ne pourra donc pas s’en faire une idée précise. Il est simplement rapporté que le prévenu regrette s’être emporté et avoir, « à tort, prêté à la partie civile des propos qu’elle n’a même pas tenus ».

La religion du footballeur n’est pas non plus rapportée par le jugement. En revanche, on supposera que ce footballeur n’est pas de nationalité belge, puisque lui est opposée l’identité « belge » de la société civile dans laquelle il s’était (bien) intégré jusque là (*).

D’où vient finalement que ce jugement soit publié sous l’intitulé « droit au blasphème », alors qu’il s’agit essentiellement de juger d’un passage à la violence ? Aucun débat n’a notamment été ouvert sur une quelconque excuse culturelle, liée à une éventuelle sensibilité particulière (*). Le jugement se limite à faire référence à la position de la partie civile : « Comme cela a été rappelé au prévenu par la partie civile, l’attitude du prévenu n’est pas admissible dans un Etat de droit qui repose entre autres sur le principe de la liberté d’expression qui permet au citoyen d’exprimer librement ses opinions, cette liberté d’expression lorsqu’il s’agit de sujets religieux devant aller jusqu’au droit au blasphème revendiqué par la partie civile. »

La partie civile ayant publié sur le web sa déclaration d’audience, le lecteur pourra y découvrir des accents différents et une mise en contexte plus complexe, non seulement sur la liberté d’expression en démocratie, mais aussi sur la violence terroriste, la distinction du politique et du religieux, le rappel de ce que « nul ne peut se faire justice à soi-même ».

Que conclure si ce n’est sans doute que la technique de l’obiter dictum a été depuis longtemps utilisée pour dépasser l’objet précis des litiges et faire des jugements un lieu de pédagogie sociale.

(*) L’auteur des coups reconnaissant les faits de violence, la culpabilité est établie, mais une suspension du prononcé de la condamnation est décidée compte tenu « compte de l’éducation reçue par le prévenu et qui lui a permis de s’intégrer parfaitement — jusqu’aux faits reprochés — dans la société civile belge et aussi de l’absence d’antécédents judiciaires du prévenu ».



La Cour constitutionnelle et le foulard

Par un arrêt rendu le 17 janvier 2008, la Cour a estimé ne pas devoir répondre à la question préjudicielle posée, relative à l’obligation de se découvrir prévue par l’article 759 du code judiciaire belge, en raison de ce que le témoin avait expressément invoqué, pour justifier son refus, non pas sa religion mais des raisons médicales.

La Cour applique ni plus ni moins ses règles générales de recevabilité. On se demandera toutefois si le juge auteur de la question préjudicielle avait vraiment élargi sa question, sans lien avec le dossier ? Plus généralement, et en dehors du cas d’espèce, suffirait-il d’invoquer un motif apparemment profane pour travestir une position essentiellement religieuse, sans capacité pour le juge de requalifier le motif invoqué ?



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