Religions et philosophies dans un futur code pénal belge (II) – le rite de mariage religieux ou non confessionnel

Couple in UK’s first Scientology church wedding

Les infractions commises par les ministres des cultes dans l’exercice de leur ministère sont également maintenues, mais selon des modalités différentes. L’infraction visées à l’art. 267, concernant l’antériorité du mariage civile demeure une infraction spécifique à charge des ministres du culte, tout en étant étendue aux officiants des cérémonies laïques de mariage et réécrite à cette fin. En revanche, l’art. 268 du code pénal, qui réprime actuellement les ministres du culte qui, « dans l’exercice de leur ministère, par des discours prononcés en assemblée publique, auront directement attaqué le gouvernement, une loi, un arrêté royal ou tout autre acte de l’autorité publique » se trouverait intégrée dans une infraction plus générale d’« atteinte méchante à l’autorité de l’État ». On examine ici l’évolution de la première infraction.

L’antériorité obligatoire du mariage civil est un prescrit constitutionnel (art. 21 al. 2). Sa formule demeure inchangée depuis 1831 : « Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi, s’il y a lieu ». Selon l’exposé des motifs, « l’infraction de consécration d’un mariage religieux avant la célébration d’un mariage civil (art. 267 du Code pénal) n’a pas été reprise [dans cette section du Code ?]. Un tel comportement ne présente pas suffisamment d’enjeu pénal dès lors que le mariage religieux n’emporte aucune conséquence juridique et n’a donc pas d’impact important sur la société » (DOC 55 3518/001 p. 292). Or, c’est bien l’inverse que propose le projet de loi, en son projet d’article 641 : « La célébration du mariage religieux ou du mariage non-confessionnel avant la célébration du mariage civil. La célébration du mariage religieux ou du mariage non-confessionnel avant la célébration du mariage civil consiste pour un ministre des cultes ou pour un délégué qui offre une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle de célébrer, délibérément, le mariage religieux ou le mariage non-confessionnel avant la célébration du mariage civil ».

Quoique de nombreux auteurs et hommes politiques aient appelé à l’abrogation de cette atteinte à la liberté de culte, elle est toutefois réinsérée dans le Code pénal en projet, à l’art. 641. Le Conseil d’Etat indique dans son avis 72.477/3 (n° 77) qu’aujourd’hui « pour être conforme à l’article 9 CEDH, cette restriction à la liberté religieuse et philosophique doit être « nécessaire dans une société démocratique à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publique, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». Et de poursuivre : « En 1831, lorsque l’antériorité du mariage civil a été inscrite dans la Constitution, le constituant entendait dissiper la confusion qui existait alors et qui donnait à penser aux gens que s’ils étaient mariés « à l’église », ils étaient également mariés ipso facto « aux yeux de la loi ». Cette confusion s’expliquait historiquement, notamment du fait que dans l’Ancien Régime, depuis un édit de 1610, les prêtres paroissiaux inscrivaient le mariage dans leurs registres et transmettaient ensuite ceux-ci aux échevins de l’état civil. Le constituant a voulu éviter cette confusion, parce que celle-ci avait aussi une incidence sur le statut des enfants issus d’un mariage purement religieux. Cette justification était pertinente pour l’adoption de l’article 267 du Code pénal. La question se pose de savoir si cette motivation suffit encore pour justifier l’incrimination des ministres du culte qui célèbrent un mariage religieux avant qu’ait eu lieu la célébration du mariage civil. Elle ne saurait en tout cas pas procurer de fondement à l’élargissement de l’incrimination aux délégués qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle et qui célèbrent un mariage non confessionnel ». En conclusion, le Conseil d’Etat indique que « s’ils souhaitent maintenir cette incrimination, les auteurs de l’avant-projet devront dès lors pouvoir justifier l’ingérence dans la liberté religieuse et philosophique qui en découle au regard des conditions sociales actuelles. Cette justification doit être pertinente, tant pour le mariage religieux que pour le mariage non confessionnel ». L’exposé des motifs indique plusieurs ordres de justification d’actualité. D’abord, (p. 597) que « pour le Service des cultes et de la laïcité, de mariages religieux en Belgique sont conclus sans qu’il soit précédé par un mariage civil. D’autres sont conclus sans mariage civil. C’est la raison pour laquelle il est opportun de reprendre cette disposition dans le projet de réforme du Code pénal ». Dans cette même ligne, l’exposé des motifs indique que « La menace d’une sanction lorsque la bénédiction ou la consommation d’un mariage religieux ou non confessionnel est effectuée avant, ou même sans, la conclusion d’un mariage civil constitue un moyen de dissuasion pour ceux qui auraient l’intention de contracter un mariage en contournant les interdictions prévues par le droit belge. Il s’agit notamment du mariage de partenaires multiples (polygamie) et des mariages entre une ou plusieurs personnes qui ne remplissent pas les conditions d’âge ou autres ». Et de poursuivre : « en ce qui concerne les conséquences sur la filiation : un mariage religieux sans mariage civil a pour conséquence que la filiation paternelle à l’égard de l’enfant ne sera pas établie si elle n’a pas été reconnue ». L’exposé des motifs mentionne également un autre ordre de justification, plus générale, d’ordre théorique, et dont le succès au test de proportionnalité ne nous semble cette fois pas nécessairement acquis : « de nombreuses religions ont également des tendances radicales et non démocratiques, ce qui est inacceptable dans un État de droit concernant dans l’exécution des mariages, la suprématie de la loi civile sur la loi religieuse reste évidente à travers son applicabilité pénale. Il s’agit d’une règle de droit fondamentale par laquelle il bénéficie d’une protection en tant que droit fondamental protégé par la Constitution. Le maintien de la pénalisation envoie le signal que les lois et règles religieuses sont subordonnées au droit civil ».

Le Conseil d’Etat recommandait que les justifications puissent également valoir pour la célébration des mariages non confessionnels. C’est alors « dans un souci d’égalité et de non-discrimination, conformément l’article 11 de la Constitution et l’article 14 CEDH [qu’] il est proposé d’élargir la disposition au mariage non-confessionnel ». Aucune autre justification n’est apportée quoique l’on se souvienne de certains contentieux évoqués par la presse quant à certains risques de confusion entre rites laïques et cérémonies civiles au sein de certaines pratiques communales. A défaut de voir mentionner des risques majeurs, on s’interrogera sur cette extension de la loi pénale aux mariages non confessionnels, soit pour y voir une adaptation anticipée à la nouvelle qualification du bouddhisme, soit pour y asseoir une habilitation symbolique des organisations philosophiques à célébrer des mariages non confessionnels.

En conséquence de cette extension « non-discriminatoire », il convenait dès lors aussi de modifier la formule de la disposition pénale, et ne plus viser « la bénédiction » nuptiale. C’est désormais la « célébration « délibérée » du mariage religieux ou du mariage non-confessionnel » que vise le nouvel art. 641 du projet pour sanctionner, si elle est antérieure à la célébration du mariage civil, le ministre des cultes ou un « délégué qui offre une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle ». L’exposé des motifs présente une explication toutefois étonnante à la reprise de la notion inscrite à l’alinéa 2 de l’article 181 de la Constitution : « Étant donné que le ministre des cultes n’est pas habilité à célébrer le mariage non-confessionnel, la disposition pénale prévoit d’incriminer le délégué qui offre une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle. Ce délégué a été institué par la loi du 21 juin 2002 relative au Conseil central des Communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, aux délégués et aux établissements chargés de la gestion des intérêts matériels et financiers des communautés philosophiques non confessionnelles reconnue. Celui-ci est habilité à célébrer les mariages non-confessionnels ». Propos étonnants d’une part parce que cette loi n’habilite ces délégués à aucun rites particuliers, et d’autre part parce que le texte de l’infraction pénale ne se limite nullement à des organes ou des dénominations reconnues.

La notion de « bénédiction », qui disparaît faute de pouvoir se référer aux réalités non confessionnelles, avait pourtant elle-même reçu une interprétation large dans le passé, allant jusqu’à inclure, en jurisprudence française, toute intervention quelconque d’un ministre du culte, comme la simple transcription dans un registre paroissial ou diocésain d’un mariage canonique en « forme extraordinaire » (c’est-à-dire devant de simples témoins laïcs. La notion étatique de « bénédiction » permettait aussi de viser pénalement des formes simultanées d’intervention : pénalement, la bénédiction d’une cérémonie civile ne peut pas être concomitante, mais bien seulement postérieure. Aligner les notions de « célébration » civile, religieuses et philosophiques altère les formulations antérieures qui visaient précisément à souligner des ordres de réalités différents. On évoquera en revanche l’ambiguïté de la notion de « célébration de mariage » tant pour les cultes hors du catholicisme, que pour la communauté laïque elle-même. Ce n’est pas la bénédiction par l’Imam qui fait la célébration d’un mariage en Islam. La bénédiction de l’Imam peut tout aussi bien indiquer qu’aucun obstacle religieux ne s’oppose à une célébration civile, ou saluer la volonté de se fiancer. Ainsi encore, l’art. 267 rendait impossible de bénir une union civile, dès lors que la bénédiction, pour échapper à la sanction pénale, suppose un mariage civil antérieur et non une simple déclaration communale de cohabitation légale. L’avenir dira si la seule introduction de l’adverbe « délibérément » constituera un dol suffisamment précis pour lever tout ambiguïté entre fiançailles, cohabitation et mariage. Admettra-t-on par exemple la célébration religieuse ou laïque d’une cohabitation pour laquelle les partenaires auraient décidé qu’elle demeurerait soustraite à toute forme civile ?

Deux autres constats doivent encore être dressés à l’occasion de la reformulation de cette infraction. Tout d’abord, et contre les indications du Conseil d’Etat, l’exception du danger de mort, prévue depuis 1909 , n’est plus maintenue. Le délégué du Gouvernement a indiqué au Conseil d’Etat que cette exception serait désuète . On s’étonnera d’une telle légèreté qui manque pour le moins d’un fondement anthropologique que toutes les grandes situations traumatiques révèlent d’abondance (catastrophes naturelles, accidents de la route ou autres), sans pour autant revenir à un romantisme perdu. Quant à l’exposé des motifs, il indique quant à lui que « Il n’y a aucune raison de conserver l’exception à l’application pénale de toute façon. Après tout, la conclusion d’un mariage, qu’il soit civil ou religieux, a pour but d’établir un état civil avec des droits et des obligations, ce qui n’est pas le cas lorsque l’un des mariés décède peu après la cérémonie ». Considération paradoxale et en contradiction avec la justification même qui y est évoquée.

Ensuite, et plus étonnamment encore, le projet continue à se cantonner à la seule figure du mariage. On a déjà indiqué combien cette disposition pénale renforce, par son miroir religieux, une distinction radicale entre le mariage civil et la cohabitation légale, au point qu’il est interdit pénalement de bénir une cohabitation légale. Mais il y plus encore, la disposition ne se préoccupe pas non plus des figures du démariage (divorces, séparations, nullité, répudiations etc). Or, les contentieux sont nombreux, et ont fait l’objet d’interventions précises dans de nombreux pays (Etats-Unis, Angleterre, Canada, France etc) pour éviter la prise en otage de certaines femmes (civilement libérées, mais religieusement « enchaînées »). Certes, de tels contentieux de démariage n’avaient aucune réalité sociale impactante dans l’univers catholique belge du XIXe siècle. Ils n’appelaient pas l’attention du Congrès national. Il en va très différemment aujourd’hui pour tant de femmes juives ou musulmanes, qu’une nécessaire clarification des conditions du divorce civil viendrait, entre autres, aider à l’encontre de tout chantage religieux.

 

Louis-Leon Christians
Professeur ordinaire UCLouvain
Chaire Droit & Religions



Pour se marier, demander la main ?

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Modes de salutation, laïcité et citoyenneté :
obtenir la main comme condition formelle du mariage en Belgique ?

 

La presse rapporte en mai 2018 un nouveau cas de refus par un Echevin (de la ville de Malines) de célébrer un mariage pour des motifs non prévus par le Code civil.

Dans le contexte actuel de sensibilité accrue à l’égard des questions d’expression religieuse dans la société, certains gestes perçus jusqu’ici comme assez surprenants — mais en fin de compte relativement anecdotiques — peuvent désormais recevoir une résonnance notable et emporter des conséquences sérieuses pour ceux qui les adoptent.

Il en allait déjà ainsi de l’expérience relatée le 14 décembre 2016 par l’échevin bruxellois de l’Etat civil Alain Courtois (Mouvement Réformateur), au sujet de plusieurs cérémonies de mariage qu’il était amené à présider à l’Hôtel de Ville de Bruxelles, et durant lesquelles la future épouse a refusé de lui serrer la main. L’échevin précise que la raison avancée par les femmes concernées pour décliner cette poignée de main est « généralement » en lien avec « des motifs religieux ». Selon la RTBF, les couples en question sont d’ailleurs principalement de confession musulmane[1].

Cet épisode n’est pas sans rappeler celui, sensiblement similaire, dont a fait écho Sofie Bracke il y a quelques semaines dans les pages du Morgen, en sa qualité d’échevine de l’Etat civil de la ville de Gand[2]. Celle-ci s’est également offusquée du refus « démonstratif » d’un homme de lui serrer la main, lors d’une cérémonie de mariage. A l’explication donnée par l’intéressé (« Je ne serre pas la main des femmes, seulement celle de ma propre femme »), l’échevine s’est dite « offensée dans sa fonction d’échevine, dans sa féminité et dans son humanité ». A l’instar d’Alain Courtois, elle a rétorqué à celui-ci que « l’égalité entre hommes et femmes s’applique en Belgique » et que son comportement va à l’encontre de ce principe, ainsi que de celui de la neutralité de l’Etat.

L’analogie entre les deux hôtels de ville s’arrête cependant ici. Là où Sofie Bracke s’est contentée d’« expédier » la cérémonie matrimoniale du couple en question, Alain Courtois a quant à lui tout simplement refusé d’entamer la célébration de chacun des huit mariages et de prononcer l’union de ces couples.

Des conceptions culturelles différentes relatives aux signes usuels de « civilités » peuvent-elles conduire à des sanctions proprement juridiques, plutôt qu’à des débats sur les usages variés de la politesse ? Les guides de « savoir vivre », bien connus des touristes, ont-ils acquis rang de loi ?

Il convient d’apporter un certain éclairage légal.

Pas de poignée de main, pas de mariage / d’emploi / d’école ?

En premier lieu, l’on pourrait s’interroger sur la place de cette salutation « de main à main » parmi les conditions formelles de conclusion du mariage. La poignée de main pourrait-elle – ou devrait-elle – figurer expressément à côté de la déclaration à l’officier d’état civil, la publicité de la cérémonie et la présence de témoins, comme formalité nécessaire à tout mariage civil ? En cette matière, l’on mentionnera le rappel d’Unia (Centre interfédéral pour l’égalité des chances) suite aux propos d’Alain Courtois, qui indique que « dans tous les cas de figure, l’officier de l’Etat civil ne peut pas refuser de procéder à un mariage civil si les conditions prévues par le Code civil sont remplies, sauf en cas de suspicion de mariage forcé ou de mariage de complaisance ».

Sans prétendre ici remonter aux sources sociologiques voire anthropologiques de la symbolique entourant la poignée de main, l’on notera en tout état de cause que ce « langage du corps » peut tout à la fois être vu comme s’inscrivant dans une tradition culturelle ancestrale (l’on songera, en droit féodal, au serrement des mains lors des serments synallagmatiques de fidélité entre le seigneur et son vassal[3]), sans pour autant constituer une marque universelle et intemporelle de salutation[4].

L’on se souviendra qu’en 2013, déjà, la Ville de Bruxelles avait fait face à un cas similaire : un employé musulman ayant notamment refusé de serrer la main de son échevine de tutelle, Karine Lalieux (PS) dans ce cas-ci, avait été licencié sur base de son attitude jugée extrémiste[5].

Ces épisodes belges ne sont pas sans rappeler une autre affaire récente, suisse cette fois, au sujet du refus de deux écoliers musulmans de serrer la main de leur professeure de collège. La dispense accordée dans un premier temps par le collège avait, suite au tollé général qu’elle avait provoqué, finalement été annulée par le gouvernement du canton de Bâle[6], ce dernier précisant que « l’intérêt public concernant l’égalité entre femme et homme, aussi bien que l’intégration, l’emportent sur la liberté de croyance des élèves ». Les parents récalcitrants encourent désormais des sanctions pouvant atteindre 5000 francs suisses.

Une autre question est celle du caractère discriminatoire de ce refus de mariage par l’échevin bruxellois. Tout en indiquant n’avoir encore jamais reçu de plainte parce qu’une femme a été obligée de serrer la main d’un homme, Unia précise par ailleurs que si un tel refus de mariage était véritablement motivé sur base des convictions religieuses des fiancés – ce qui reste à prouver en l’espèce –, l’officier public tomberait sous le coup des dispositions pénales en matière de non-discrimination.[7]

Objection de conscience …de l’officier d’état civil

Dans cette perspective, un parallèle a été établi avec d’autres cas d’objection de certains officiers d’état civil, par exemple, au fait de célébrer l’union de personnes de même sexe. A l’inverse d’autres situations à l’égard desquelles un droit à l’objection de conscience est reconnu (comme pour les lois « éthiques » sur l’avortement et l’euthanasie), la loi belge ouvrant le mariage aux couples homosexuels n’a pas laissé la possibilité aux officiers d’état civil de s’abstenir de célébrer le mariage de ces couples en raison de leurs convictions. Cette impossibilité de dérogation s’explique certainement en premier lieu par le fait que, ici plus qu’ailleurs, la concrétisation d’une telle objection de conscience serait jugée comme portant atteinte de manière démesurée aux droits d’autrui, à savoir le droit à la vie privée et familiale du couple homosexuel concerné, ainsi qu’au droit à la non-discrimination. C’est d’ailleurs dans ce sens que s’est prononcée la Cour européenne des droits de l’homme en 2013 dans l’arrêt Eweida et autres contre Royaume-Uni[8]. Parmi les quatre requêtes concernées par cet arrêt, l’une d’entre elles visait la situation de Mme Ladele, fonctionnaire municipale dans la banlieue de Londres qui s’était vue licenciée sur base de son refus de célébrer l’union de couples homosexuels. La Cour a jugé que l’atteinte à la liberté de religion de Mme Ladele était légitime et proportionnée, au regard de la protection à accorder au droit de ces couples à se marier et au respect de leur orientation sexuelle[9].

La poignée de main, jauge d’une intégration réussie ?

En filigrane, l’on perçoit en réalité qu’au-delà des conditions juridiques formelles et explicites, c’est la démonstration de la « bonne intégration » et du partage des valeurs fondamentales de notre société par l’individu concerné qui est mise en avant à travers ce type d’épisodes. Si apporter la preuve effective de tels critères n’est pas toujours sans difficulté en pratique, les autorités publiques ont tenté d’inscrire cette exigence dans les procédures en matière d’acquisition de la nationalité et pour les étrangers primo-arrivants sur le territoire belge. Dans ces deux hypothèses, la poursuite d’un cours d’intégration peut être requise sous certaines circonstances. Outre l’apprentissage d’une des langues nationales, parmi les notions abordées dans le cadre de ces formations, l’on retrouve la non-discrimination, l’égalité des chances et …l’égalité homme-femme. Il reste que ces cours d’intégration, lié à la sollicitation de la nationalité belge, ne sont pas encore prévus comme conditions de l’accès au mariage civil…

Leopold Vanbellingen

Chercheur-doctorant à la Chaire UCL Droit & Religions
Note publiée initialement en janvier 2017

[1] « Refus de serrer la main de l’échevin: huit mariages annulés à la Ville de Bruxelles », RTBF info, 14 novembre 2016.

[2] S. Bracke, « Allemaal samen moeten we aangeven dat er democratische vrijheden zijn waarover we niet onderhandelen », De Morgen, 15 octobre 2016.

[3] Sur ce sujet, voy. par exemple H. Débax, « Le serrement des mains. Éléments pour une analyse du rituel des serments féodaux en Languedoc et en Provence (XIe-XIIe siècles) », Le Moyen Age, 1/2007 (Tome CXIII), pp. 9-23.

[4] En ce sens, voy. H. Roodenburg, « The ‘hand of the friendship’ : shaking hands and other gestures in the Dutch Republic », in J. Bremmer et H. Roodenburg (eds), A cultural history of gesture from antiquity to the present day, Cambridge, 1991, pp. 152-189.

[5] « Bruxelles-ville: un employé musulman jugé trop extrémiste licencié », RTBF Info, 13 mai 2013.

[6] « Face à l’islam radical, la poignée de main obligatoire », Le Temps, 25 mai 2016.

[7] « Alain Courtois a déjà refusé 8 mariages car la future épouse refusait de lui serrer la main », La Libre Belgique, 14 décembre 2016.

[8] Cour eur. D.H., Eweida et autres c. Royaume-Uni, 15 janvier 2013.

[9] Ibid., § 105-106.

 

Pour aller plus loin

 



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