Informations critiques et dérives sectaires 27 août
Par un arrêt du 12 avril 2011, la Cour d’appel de Bruxelles, réformant un jugement du 22 février 2008 a estimé qu’un avis contesté du Centre fédéral d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles (Ciaosn), était bien resté dans les limites de la prudence requise par l’art. 1382 du code civil.
Dès avant la création par la loi du 2 juin 1998 du Centre fédéral d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles, les pouvoirs publics ont soutenu une politique de documentation des dérives sectaires. Le statut juridique de cette information est toutefois complexe, qu’elle se réalise par le biais de brochures, de réponses aux demandes, d’avis, ou encore par la mise à disposition d’une bibliothèque spécialisée. Il s’agit en effet de cerner la nature purement documentaire et non « judiciaire » de ces politiques d’information. Aucun effet de droit n’y est assorti; aucune qualification civile, administrative ou pénale n’en découle. Il s’agit toutefois d’une information publique qui doit être « objective »et « indépendante » — « neutre » en un certain sens (en ce sens, voy. et comp. récemment Cour EDH, arrêt du 6 Novembre 2008, Leela Förderkreis et autres c. Allemagne, n° 58911/00, et arrêt du 10 Juin 2010, Témoins de Jehovah de Moscou c. Russie, n° 302/02).
Il est toutefois certain que cette information publique, comme toute affirmation documentaire ou scientifique, est susceptible d’être contestée ou discutée. Le choix et la critique des sources, les options d’interprétation peuvent ouvrir un débat. L’origine publique de l’information semble par ailleurs renforcer son devoir de sérieux et de prudence. Au coeur d’une exigence générale d’une information assurée « en bon père de famille placé dans les mêmes circonstances », émergent plus précisément les questions des »droits de la défense » en matière documentaire, de la libre contradiction et de la motivation des informations diffusées.
La Recommandation 1412(1999) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe énonçait déjà en son pt. 7 : » Il est primordial de disposer d’une information fiable sur lesdits groupements, qui ne provienne exclusivement ni des sectes elles-mêmes, ni des associations de défense des victimes de sectes, et de la diffuser largement au grand public, après que les personnes concernées aient eu la possibilité d’être entendues sur l’objectivité de telles informations. » Il importe d’évaluer quelle est l’ampleur de ces exigences spécifiques et en quoi elles se distinguent de celles appliquées à une approche contentieuse ou judiciaire.
On se souviendra d’un long contentieux relatif à une plaquette de la Communauté française de Belgique, « Gourou, gare à toi ! », et aux nombreux jugements et arrêts qui en sont issus, en sens divers (notamment, Civ. Bruxelles (réf.), 23 avril 1999; Bruxelles (réf.), 19 novembre 1999; civ. Bruxelles, 19 juin 2001; Bruxelles, 7 avril 2006).
L’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 12 avril 2011 vient à son tour compléter la jurisprudence en la matière. Sans entrer dans l’analyse détaillée des faits, on en retient ici quatre points majeurs :
- (a) il n’est pas dans les missions légales du Centre d’information et d’avis de qualifier formellement un mouvement d’ »organisation sectaire nuisible »;
- (b) ce Centre n’est pas une « autorité administrative » parce qu’il ne prend aucune décision contraignante pour des tiers;
- (c) la loi du 2 juin 1998 ne fait pas obligation formelle au Centre d’entendre les mouvements concernés; une audition éventuelle entre dans l’évaluation de la prudence de la procédure d’information;
- (d) en cas d’audition, l’avis n’est pas obligé de répondre point par point aux positions des personnes entendues qui divergeraient de la littérature consultée.
Au surplus, les considérations de fond contenues dans l’arrêt, exprimées en termes de risques mais contestées par le requérant, sont estimées conformes au principe de prudence.